40 ans des Librairies Sorcières ! Les pionnier·ère·s racontent l’aventure de l’ALSJ, de la loi Lang au commerce essentiel


Les Librairies Sorcières fêtent leurs 40 ans !

40 ans qu’elles œuvrent pour la littérature jeunesse et la lecture au sein de l’ALSJ. L’Association des Librairies Spécialisées Jeunesse a vu le jour en 1981, année emblématique, celle – notamment – de la loi sur le prix unique du livre.

En décembre 2021, au cœur de cette quarantaine libre et joyeuse, le numéro 90 de la revue Citrouille décide de marquer le début des festivités. L’illustrateur Jean-Luc Englebert organise un goûter en forêt (couverture). Les libraires d’Enghien-les-Bains, Strasbourg, La Ciotat, Forcalquier et Angers expriment leurs motivations à « être Sorcières ». Des ami.e.s du monde du livre disent leur tendresse pour nos librairies et notre réseau. La bibliographie 40 Balais et Baguettes jalonne les pages. Et – animé.e.s par la conviction qu’il faut bien connaître hier pour vivre aujourd’hui et inventer demain – les pionni·ere·s de l’ALSJ se rassemblent pour faire le récit de cette grande aventure. 

 

Leur lettre aux Sorcières du 21ème siècle est plus qu’une page d’histoire. Si elle éclaire  sur les événements fondateurs de ce réseau unique de librairies jeunesse, elle est un fil qui nous relie aux évolutions, au devenir de la littérature jeunesse et de la librairie indépendante. Aujourd’hui, ce début d’année nous semble idéal pour partager ce texte (que vous pourrez également lire dans Citrouille 90, toujours disponible chez votre libraire Sorcières).


 

« Chères Sorcières essentielles,

Pour fêter vos 40 ans, laissez-nous vous raconter l’aventure de l’ALSJ, de la loi Lang (août 1981) au commerce de la librairie devenu essentiel (mars 2021) !
 

1981, ÉTAT DES LIEUX

La loi Lang
Plusieurs manières de fixer le prix du livre avaient été mises en place après l’arrivée de la première Fnac Livres (1974) et du discount qui ne protégeaient pas le réseau existant de librairies indépendantes. À l’initiative de Jérôme Lindon (éditions de Minuit), Jack Lang, alors ministre de la Culture promeut la loi qui portera son nom sur le prix unique du livre en août 1981. Cette loi, soutenue par de nombreux libraires indépendants – mais combattue durant 10 ans par les Fnac et Michel-Edouard Leclerc – sera salvatrice pour la chaîne du livre.


Une nouvelle édition jeunesse

Dans les années 1975-80, l’enfant est reconnu comme une personne à part entière. Accompagnée par une presse enfantine de qualité, l’édition jeunesse s’inscrit dans ce nouvel état d’esprit grâce à l’émergence de petits éditeurs exigeants et d’éditeurs qui, soit se spécialisent, soit créent un secteur jeunesse. Favorisant ainsi l’arrivée de nouveaux talents d’auteur·rice·set d’illustrateur·rice·s.
 

Des Librairies Spécialisées Jeunesse
Depuis 1974, on assiste à un nouveau concept de librairie, des librairies indépendantes spécialisées de petite taille se sont créées, et en 1981, on en dénombre une vingtaine. Parents et enfants découvrent ensemble le plaisir de toucher et lire ces nouveaux livres jeunesse soigneusement sélectionnés et
accompagnés de conseils. N’oublions pas que quelques bibliothèques spécialisées jeunesse existent, initiées par l’Heure Joyeuse et la Joie par les livres. Suite à la loi Lang, une politique ambitieuse de lecture publique est engagée.

Création de l’ALSJ
En 1981, à l’initiative de Sylvie et Jean-François Sourdais, une vingtaine de libraires indépendants et spécialisés jeunesse fondent, au Salon du Livre de Paris, l’ALSJ, Association des Librairies Spécialisées Jeunesse.

Les objectifs étaient nombreux et variés :

• Faire connaître la librairie spécialisée jeunesse.
• Se rencontrer, confronter nos expériences, ne plus se sentir isolés, former un groupe uni avec des opinions parfois différentes. L’ALSJ a été en effet, pour nombre d’entre nous, un apprentissage de la démocratie et de la solidarité, ce n’était pas toujours facile mais très enrichissant ! Nous étions un genre d’ovni parfois difficile à identifier par la profession, qui surprenait mais qui a réussi à tenir le cap, le vaisseau a tenu bon malgré des différends et quelques départs.
• Soutenir la loi sur le prix unique du livre.
• Défendre la rentabilité de nos librairies ; les éditeurs fixant nos marges avec l’instauration du prix unique du livre, nous devions leur faire admettre que nous avions besoin d’une remise suffisante, plus qualitative que quantitative, car nous étions sur un marché restreint (10% du CA global de l’édition) et que nous avions des coûts importants de fonctionnement.
• Faire sortir les livres de nos librairies, participer à des salons, expositions dans les établissements scolaires, les structures de la petite enfance, présenter des offices dans les bibliothèques.
• Maintenir un stock conséquent et sélectif, mais à rotation lente.
• Développer nos relations avec les bibliothèques, augmenter notre CA avec celles-ci, même si elles exigeaient de fortes remises (20%).
• Devenir les ambassadeurs des éditeurs sur le terrain (émissions de radio, presse, formation professionnelle).
• Refonder un syndicat de la librairie. Là aussi, ce fut compliqué, et malgré notre faible poids économique, nous pouvons être fiers d’avoir contribué à la construction du SLF, Syndicat de la Librairie Française, unique, indépendant et efficace.
• Aider les nouveaux adhérents ou les futurs libraires en les accueillant en stage dans nos librairies, en réfléchissant avec eux à leur projet, en donnant des cours à l’Asfodelp ou dans les IUT métiers du livre, en étudiant avec ceux qui étaient en difficulté leurs bilans et la gestion de leur librairie, en concevant un logiciel de gestion, en échangeant sur les développements hors du livre (jeux, carteries…) en essayant de faire des achats groupés, en fréquentant des salons à l’étranger (Bologne, Nuremberg…), en rachetant des stocks de livres invendus (belle opération avec les éditions du Sourire qui Mord)…

Bref, l’imagination était au pouvoir, si bien que nous avions envisagé de créer une librairie-école avec les éditeurs jeunesse, projet resté malheureusement dans les cartons.

DATES-CLÉS

1985, une librairie au Grand Palais
Nous avons créé en 1985 une première librairie jeunesse lors du Salon du Livre de Paris au Grand Palais, avec l’aide de Télérama et d’une grande partie des éditeurs jeunesse. Librairie tenue par l’ensemble des libraires de l’ALSJ, un univers autour de notre slogan « Avec nous, la lecture c’est pas sorcier ! ». C’est un vrai travail de groupe, une expérience enrichissante qui fut reconduite par l’organisateur. À la demande du Salon Jeunesse de Montreuil, nous tenons pendant de nombreuses années une librairie thématique. Cette reconnaissance de la profession a permis aux libraires de l’ALSJ de devenir des partenaires indispensables dans les salons du livre de nos différentes régions. 

1986, les Prix Sorcières
Création des Prix Sorcières en 1986 pour la mise en avant de la production annuelle jeunesse des tout petits aux adolescents, attribués à partir de 1989 en partenariat avec les bibliothécaires de l’ABF (Association des Bibliothécaires de France).
 

1992, Citrouille
Depuis 1985, l’ALSJ élaborait un catalogue de sélection de livres jeunesse qui exprimait le travail essentiel des membres de l’association : choisir les meilleurs titres de la production éditoriale jeunesse et en faire la promotion. En 1992, sur proposition de Carol et Denis Hooge, libraires à Versailles, nous
créons la revue Citrouille, dont le rédacteur en chef sera Thierry Lenain, et enrichie des années plus tard par un site. Le but de Citrouille est de parler de littérature jeunesse, de la vie de nos librairies, des Prix Sorcières et des actions communes de l’association. La création d’un poste de permanent pour faire le lien entre les associés et préparer les différentes actions de l’association nous est apparue indispensable, Thierry Durand fut notre premier permanent.
 

La pérennité de la loi Lang et de ses évolutions, la création de l’ALSJ et le dynamisme de ses membres au fil des années ont permis l’arrivée de nouvelles librairies jeunesse sur le territoire et à un certain nombre d’entre nous de trouver des successeurs.

Nous, signataires de ce texte, trouvons que ce fut une belle aventure et que nous n’avons pas à rougir du travail accompli. Et à vous, les librairies de ce « nouveau monde » reconnues comme « commerce essentiel », de continuer à écrire les belles pages de ce récit, avec la même passion et le même enthousiasme qui nous ont animés pendant ces 40 ans. Vous avez toute notre confiance ! »

 

Les pionnier·ère·s : Brigitte BIDERRE et Babeth FERNANDEZ (Angers), Stéphane CROIZER (Aubenas), Sylvie et Jean-François SOURDAIS (Avignon), Mireille PENAUD (Bordeaux), Alain DEMAY (Chalon-sur-Saône), Florence VIDAL (Clermont-ferrand), Annie FALZINI (Evreux), Arlette PRAGOUT (Limoges), Patrick UNGER (Marseille), Pierrette MATHIEU (Metz), Patricia MATSAKIS (Montauban), Didier PAQUET (Neuilly et Rennes), Geneviève et Bernard KIRCHHOFFER (Nevers), Françoise TRIBOLLET et Gégène GAGLIARDI (Paris XIV), Laurence TUTELLO ( Paris XIII), Nelly BOURGEOIS (Paris V et XIV), Michèle et Gérard CORTIN (Rennes,) Nathalie BEAU (Strasbourg), Michèle SARLANGUE et Marie-Claude MARCHEZ (Toulouse), Alain FIEVEZ (Tours), Carol et Denis HOOGE (Versailles).