Lire à Limoges 2014, c’est dans 32 jours. Déjà. Et cette année, plus que jamais, ce sera l’occasion pour votre librairie sorcière bien aimée de montrer à tous ceux qui en doutent encore la vivacité, la créativité et le rôle majeur de notre chère littérature jeunesse dans le paysage culturel de notre pays.
Et malgré les oiseaux de mauvais augure qui nous annoncent un printemps vert de gris, c’est avec un enthousiasme intact que nous inaugurons ce nouveau compte à rebours qui nous permet aujourd’hui de vous présenter le benjamin de cette nouvelle édition.
Dès ma première entrevue avec Boris Lanneau, attablé à une bonne adresse des Halles Centrales, je savais déjà que ma deuxième rencontre avec l’ancien rappeur, lauréat du Printemps de Bourges 2001, serait comme un coup de poing dans l’âme. Car une fois n’est pas coutume, j’avais laissé ce premier roman sur ma table de chevet, un peu comme on garde un dessert pour la fin. Il aura fallu un week-end à la campagne pour que la tentation finisse par être trop forte. La playlist ? (c’est la marque de fabrique de la collection X’) Non, désolé. Vu la qualité du réseau, c’était carrément impossible. J’ai dû faire sans.
Du coup, c’est mon imaginaire qui a travaillé à plein. Et je ne vous raconte pas le boulot. Nettoyage de cerveau, gavé de clichés sur la banlieue et grosse séance de rattrapage sur l’univers du rap et l’ambiance battles. Mais Boris n’a pas mis longtemps à réinstaller tout ça. Et ses personnages, pourtant si loin de notre quotidien de libraires du centre-ville, sont vite devenus proches, tellement proches. Car L’inconscient — c’est le nom de scène de Boris — compose ici un texte vraiment sensible, ponctué d’émotions qui vous prennent par surprise et vous submergent, parfois jusqu’aux larmes. Des mots, des rimes qui bousculent, et puis bien sûr, un vrai son, presque palpable. Une partition rythmée sous la houlette du beatmaker DJ Tsunami. Un tempo qui vous tient en haleine jusqu’à la dernière note.
Play. Aswad, star de la MJC et du quartier, entre en scène. C’est là qu’il balance ses lyrics, « pour les nanas d’tèce ». Mais celle qu’il désespère de séduire, c’est l’envoutante Nora, petite fée qui met du bleu aux murs gris de la cité. Et les mots qui touchent au cœur, c’est auprès de Sam dit Slam, sorte de Bernardo du stylo, que Aswad vient les dealer. La voix mais pas les mots. Les mots privés de voix. La seule chose qui réunit les deux adolescents c’est leur flamme, celle qui s’allume dans le sillage de la belle Nora.
Ça vous rappelle quelque chose ? De Edmond Rostand à Arthur Rimbaud, en passant par… Johnny Hallyday, Boris ose et multiplie les références et les clins d’œil. Et puis, en filigrane, sur fond d’histoire d’amour, ce juste assez de tension qui s’installe doucement. On se prend alors à trembler pour Sam et Nora, mais Boris retient le flow, comme pour mieux nous emmener au bout du morceau.
Autant te le dire carrément Boris, puisque tu m’as permis de te tutoyer, tu as fais fort, très fort. Parce que si c’est vraiment ton premier bouquin, je te le dis comme je l’écris, c’est du lourd. Et puis oui, j’ai vraiment pleuré avec Nora dans la chambre de Baba. À la fin, j’ai quand même pris sur moi, car je m’en doutais un peu, que tu allais me ramener au bord des larmes. Alors, j’ai posé le bouquin, comme un bonhomme, mais je savais que j’aurais tes mots, tes notes, ton flow coincés entre les oreilles encore un bon moment. Et puis tu veux que je te dise, tu ne l’as pas cherché, mais tu as gagné ta place dans notre modeste panthéon, notre hall of fame à nous. Et on n’est pas peu fiers de te recevoir à la maison. De clamer haut et fort « Boris est dans la place ! ». Et puisqu’on en est aux confidences, il y a quand même une question qui me brûle les lèvres : il n’y aurait pas un peu de Boris dans les silences de Sam ?
Pour finir, vu que cette lettre d’admirateur sera bientôt rendue publique, il faut quand même que j’arrive à conclure et que j’explique en peu de mots pourquoi ton livre m’a mis en verve.
D’abord c’est une love story et il faut bien reconnaître que le genre n’est pas facile à aborder. Deuxio, tu nous fais aimer cette banlieue tant décriée, sa Javanaise et surtout ses javanais. Et puis il y a l’indescriptible, l’inconscient, cette façon bien à toi de caser tous ces mots, sans verbiage, façon Sam. Alors bien sûr, je pourrais à nouveau parler du rythme, véritable bande son de ton livre-film. Car le plus impressionnant chez toi c’est d’abord cette manière d’aller à l’essentiel tout en ciselant tes phrases comme on façonne une punchline ou… un vivant poème.
J’ai lu ce livre, ton livre, d’une seule traite, et parfois j’avais l’impression de perdre le souffle. Et puis surtout, chose rare, parce qu’il y a encore des piles de livres qui m’attendent, j’ai déjà envie de te relire, persuadé que j’ai laissé le meilleur en route. Bref, à travers ce salon, Lire à Limoges 2014, j’ai une réelle envie de faire partager ton talent. Car tu vois, ce que je cherche dans un livre c’est ça, ce truc qui vous embarque et qu’on cherche en vain à décrire après. Des fois, j’te jure, quand tu conseilles un livre à quelqu’un, tu as les larmes qui montent. Alors très vite, tu calmes les chevaux, histoire de ne pas passer pour un hyperémotif. Je sais que maintenant j’ai un nouveau marchand de larmes qui va passer. Il faut juste prévenir les clients, si j’ai l’air triste ça n’est pas parce que c’est un poète mort. C’est un poète tout court, mais bien vivant, et les 4, 5 et 6 avril il sera à Lire à limoges, et nulle part ailleurs. Je vous le jure Sur la tête de l’amour.
Cyril M. – librairie Rêv’En Pages de Limoges
PS : n’oublie pas ta guitare…
Sur la tête de l’amour
Boris Lanneau
Coll. X’, Sarbacane, 2013, 14,90 €
Boris Lanneau, écrivain musical ! Réside à Lille. Premières armes comme rappeur sous le nom de L’INCONSCIENT – lauréat Découverte du Printemps de Bourges 2001. Un disque relayé dans les quotidiens nationaux (Le Monde, Libération, etc). Le morceau La France tu t’en bats est retenu sur la compilation CQFD-Les Inrockuptibles 2004. Des concerts : l’Élysée- Montmartre (Paris), le festival Energ’hip-hop (Nantes), etc. Il adapte aussi des poèmes de Rimbaud en rap – le spectacle sera joué pour le Printemps des poètes et sur France Culture. Parallèlement, il anime pendant dix ans des ateliers d’écriture dans les collèges, les lycées, les MJC de toute la France et jusqu’au Maroc et au Tchad. Aujourd’hui, il écrit des chansons à textes qu’il accompagne à la guitare. Sur la tête de l’amour est son premier roman (Source Sarbacane).