Comment perceviez-vous l’identité d’Actes Sud Junior avant votre arrivée ?
THIERRY MAGNIER: La force des premiers titres fut de permettre une identification immédiate à l’image Actes Sud. Papier vergé ivoire, format oblong… Avec en plus un jeu de cadre et une option esthétique “rétro” qui tranchait sur les usages du secteur de l’époque. Dans une programmation sage, on relève toutefois la fiction documentaire de la psychothérapeute Virginie Dumont, J’ai peur du monsieur, qui met en garde contre les agressions sexuelles dont les enfants sont la cible, La Petite Josette d’Anne Sylvestre ou la très militante fable d’Adela Turin, Rose bonbon.
Éditeur vous-même depuis 1998, vous acceptez de prendre la succession de Madeleine Thoby en 2006. Comment avez-vous abordé cette nouvelle fonction ?
J’avais deux obsessions : ne pas lâcher ma propre maison, les éditions Thierry Magnier, et mettre ma patte sur celle d’Actes Sud Junior. J’ai changé la donne. Réunissant les acteurs de la maison, on a tout remis à plat. Certains, comme Isabelle Péhourticq, auparavant chargée de la cession des droits et tentée par l’éditorial, ont changé de mission. Avec un premier cercle restreint, on a redéfini une ligne claire, renonçant au papier ivoire qui éteint les couleurs, restaurant le blanc de la page et travaillant sans filet (dans la maquette des couvertures comme dans les esprits) et en ouvrant le catalogue à de nouveaux talents. Cette renaissance s’est accompagnée de la mise en place de passerelles avec les auteurs du catalogue “adulte” d’Actes Sud (Mathias Enard, Laurent Gaudé, Camilla Läckberg…), de la fédération des moyens et des savoirs (fabrication, gestion), hormis la communication et les contacts avec la presse, autonome, mais désormais assurés en interne pour Actes Sud.
Avec l’entrée du Rouergue Jeunesse, puis d’Hélium dans ce jeu collectif, y a-t-il eu un nouveau défi pour l’homme qui a désormais plus de maisons que Cadet Rousselle ?
Le Rouergue Jeunesse, avec Olivier Douzou que j’ai rappelé pour qu’il pilote à nouveau un secteur qu’il avait inventé, et Sylvie Gracia, avait une image très forte. Ma mission consistait à mettre en musique le trio, à construire avec trois couleurs différentes et complémentaires un vrai pôle “jeunesse”. Sophie Giraud, qui entendait poursuivre l’aventure d’Hélium née en 2008, en nous rejoignant en 2011, n’a eu aucun mal à s’intégrer dans la composition, apportant sa propre nuance au tableau.
Et demain, quels défis ?
Avec une production de 120 titres par an pour Actes Sud Junior et 260 titres pour les 4 maisons réunies – et rien que de la création – le défi est de faire connaître ce chantier formidable. Par des expositions itinérantes, une galerie, des produits dérivés qui déclinent les personnages forts de nos catalogues, en respectant toujours la signature artistique des créateurs. C’est un projet exaltant, non ?
Interview publiée dans le porfolio Je lis comme je respire, que vous pouvez consulter ou télécharger ici.