Ainsi l’horreur a un nouveau nom, celui de Marine Carteron

  • Publication publiée :24 mars 2019
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Sous couvert d’une émission de télé-réalité littéraire, sept ados et trois adultes se retrouvent dans un manoir, sur une île. Aucun n’en réchappera, tous mourant dans des situations toutes plus effroyables les unes que les autres. Pourquoi ? Pour une sombre affaire de vengeance. Perpétrée par qui ? Tel est le mystère… Tiens donc, ne dirait-on pas le scénario des Dix petits nègres, d’Agatha Christie ? Ce roman, qui commence comme un polar pour finir – quasiment – comme un roman fantastique (on ne sait pas, qui en fin de compte, est le meurtrier ou la criminelle), est un monument de la littérature.

Ainsi Marine Carteron nous offre un massacre jouissif d’adolescents et d’adultes, le tout avec une dizaine de références aux contes de Perrault, d’Andersen, des frères Grimm, etc. Qui mieux que cette autrice sait nous faire sentir l’odeur rouillée du sang qui gicle après une fatale morsure, ou nous faire entendre les craquements des os broyés par un infernal poids, rien que par la force de son écriture ? Par un sadisme qui ferait verdir de jalousie le Divin Marquis, Marine Carteron s’amuse en plus à nous conforter dans notre position de voyeur, comme dans toute bonne télé-réalité qui se respecte (oui je sais, personne ne dit ça, on a qu’à dire que je suis un utopiste), et à nous faire apprécier notre sens de la justice car, évidemment, les morts ne sont pas veines (c’est un jeu de mots avec «vaines», par rapport au côté sanglant, tout ça… Tu l’as ?Mwahahahaha ! Hm. Brrrrrrreeeeef. Oui, le libraire est fatigué). 
Ca vous choque ? Tant mieux, c’est le but. Mais que l’on se rassure : ce n’est pas si violent que ça, comparé à un banal journal télévisé (euh… bah si, quand même, un peu !). Et c’est servi par une plume magnifique, très visuelle. La scène d’introduction, pour ne citer qu’elle, et qui décrit la majeure partie des personnages, est tellement fluide dans sa construction (on passe des uns aux autres en suivant leurs déplacements ou leurs regards) qu’on aurait parlé d’un long-plan séquence si on était au cinéma, avec une caméra aux souples déplacements. Les révélations, passées au compte-goutte, sont autant de coups de cutter dans la chair tendre de nos pauvres âmes littéraires. 
Bref, oubliez l’Île de la Tentation, préférez-lui cet Escape Game littéraire. Ah oui parce que tiens : l’idée de l’escape game, c’est quand même de réussir à s’enfuir d’un endroit clos grâce à des résolutions d’énigmes ! Notez que dans le cas présent c’est râpé… sauf si on considère la mort comme une échappatoire. 
Ainsi l’horreur a un nouveau nom, celui de Marine Carteron.
Librairie Sorcière Chantepages à Tulle