Anne-Gaëlle Balpe : «Comme John Irving, j’aime beaucoup comparer l’écriture au sport…»

  • Publication publiée :24 septembre 2017
  • Post category:Archives
Anne-Gaëlle Balpe 
Les romans de la collection Pépix chez Sarbacane sont attendus par les jeunes lecteurs qui fréquentent la librairie La Marmite à mots à Belfort. Pour un des derniers, L’écrivain abominable, Caroline Planchenault, la libraire, a eu l’occasion et le plaisir d’échanger avec son auteure, Anne-Gaëlle Balpe.


CAROLINE PLANCHENAULT: Anne-Gaëlle, L’écrivain abominable est loin d’être votre premier roman, d’où vous vient cette idée d’écrivain machiavélique et méchant avec les enfants (sans trop dévoiler toute l’histoire…)? Ne me dites pas que c’est le message que vous souhaitez envoyer aux jeunes lecteurs!
ANNE-GAËLLE BALPE: Par expérience, je sais que la rencontre avec un écrivain est un moment particulier dans la vie d’une classe. Et je crois que les enfants et enseignants partent du principe que celui qu’ils vont recevoir est bienveillant et sympathique! Alors pour cette histoire je me suis dit: et si l’écrivain tant attendu était détestable, abominable?! Et si – pire – il leur tendait un piège?! J’ai trouvé que c’était une façon originale et amusante d’aborder cet aspect de mon métier. Par ailleurs, je souhaitais depuis très longtemps rendre «hommage» à Roald Dahl, dont les livres sont à l’origine de mon envie d’inventer des histoires. J’ai donc imaginé que cet abominable personnage s’inspirerait de cet écrivain (qu’il déteste, bien sûr!) pour mener à bien son horrible projet. D’où son nom, Roland Dale. Je pense que Roald Dahl aurait aimé qu’on le transforme en un personnage maléfique! Enfin, les romans Pépix étant drôles et «impertinents», j’ai pensé qu’un horrible écrivain pour enfants était le méchant idéal pour un titre de cette collection!


Vous écrivez aussi bien des textes pour des albums que des textes pour des romans jeunesse. Est-ce que vous appréhendez le travail d’écriture de manière différente pour l’un ou l’autre de ces registres? 
Oui, car le texte pour album, d’une part, est très court et, d’autre part, il est toujours illustré. La chute y est très importante. Je me penche moins sur les personnages et plus sur la structure du récit. Je fais en sorte de trouver la fin d’abord, puis de la «viser», comme on vise la cible au tir à l’arc. Les albums que j’apprécie le moins sont souvent ceux dont la fin n’apporte pas le plaisir (surprise, humour, poésie…) que l’on était en droit d’espérer. Enfin l’album est habituellement lu à voix haute, donc il faut penser à la dimension sonore et au rythme du texte. Dans un roman, il s’agit davantage de développer un univers, caractériser des personnages, développer une intrigue. Il y a aussi l’écriture des dialogues qui est particulière (souvent moins présente dans les albums). La difficulté de l’écriture du roman, pour moi, est justement la longueur, qui fait qu’on a le temps de douter de ses choix, de se décourager. J’aime beaucoup comparer l’écriture au sport, comme le fait John Irving… L’album c’est le quatre cents mètres, il faut être efficace et rapide, on voit dès le départ la ligne d’arrivée… Le roman, c’est le marathon, on ne sait pas trop ce qui nous attend sur le chemin, il faut être patient et endurant, parfois changer de rythme!


Beaucoup de vos textes, albums et romans, sont illustrés. Que représente pour vous l’illustration dans vos écrits? 
Je me suis mise à écrire de la littérature jeunesse justement parce que je rêvais de voir mes textes illustrés. C’est pourquoi j’ai d’abord écrit beaucoup d’albums. Le talent (le pouvoir!) des illustrateurs me fascine. Ils peuvent, n’importe où, sur un bout de nappe ou une étiquette de bouteille, faire naître un personnage qui génère en nous un sentiment. Je les jalouse beaucoup, ce sont des super-héros! Quand j’écris un texte d’album, j’écris en pensant à la complémentarité entre texte et image. L’intérêt c’est aussi de jouer avec, de la détourner, parfois. La place de l’image dans un roman est assez différente. Les illustrations viennent plutôt en complément du texte, il n’y a pas le même équilibre entre l’un et l’autre en terme de résonance, de dialogue. Là, l’image n’est pas constitutive de l’histoire. Pour autant, pour le lecteur, quel plaisir de lever les yeux du texte pour découvrir ce que l’illustrateur a imag(in)é ! Je trouve que cela apporte notamment beaucoup lorsque l’histoire est drôle, ou effrayante, comme dans L’écrivain abominable.


Propos recueillis par Caroline Planchenault, Libraire Sorcière La Marmite à Mots à Belfort

L’écrivain abominable

Ed. Sarbacane

Manolo est un jeune garçon qui vit dans un cirque. C’est un maître itinérant qui lui fait la classe dans une caravane-école, un maître juste pour lui, pour son cousin Paco et sa cousine Mandy. Au programme de la journée: apprentissages scolaires le matin et travail de domptage avec son otarie l’après-midi… Malheureusement, voilà le maître qui se blesse et reste sans remplaçant. Manolo et son cousin doivent se rendre dans l’«école normale» du village… et ils n’aiment vraiment pas ces écoles! Il faut rester assis sur une chaise toute la journée et se taire; écouter Madame Gastraud, la maîtresse; apprendre l’imparfait du subjonctif, les hommes préhistoriques et les divisions. Et puis supporter les moqueries des élèves pendant la récréation… Cerise sur le gâteau, voilà qu’il faut préparer la rencontre avec Roland Dale, un écrivain célèbre et auteur des «Merveilleuses Aventures d’Émile Carton»! Manolo déteste lire: alors rencontrer un auteur… merci bien! Et cette journée de rencontre va être terrible et terrifiante pour Manolo, notamment quand l’auteur Roland Dale transforme les élèves de l’école en «Playmobil somnambules» pour les emmener dans son manoir! Entre rires et frissons, Anne-Gaëlle Balpe nous entraîne dans une histoire abracadabrantesque qui donne… une «abominable» envie de lire! – Librairie La Marmite à Mots.