«Ce qu’il faut pour un livre de jeunesse, c’est qu’il dérange» — Mario Ramos

  • Publication publiée :4 novembre 2018
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Le jour de la disparition de Mario Ramos, la librairie L’Oiseau Lire d’Evreux s’est souvenue d’une rencontre avec l’auteur illustrateur, quelques temps auparavant.

La rencontre aurait dû démarrer à 19 heures. Mais comme le train est arrivé en retard à la gare du Midi de Bruxelles et qu’il a raté sa correspondance à Paris, Mario Ramos est arrivé avec une demi-heure de retard. Un temps d’attente qui a servi de plongée dans le monde de l’auteur/illustrateur. Des loups, des monstres, un roi, des lions, des singes… l’univers est large. Drôle aussi. Et c’est encore plus drôle lorsque Mario Ramos les raconte ses histoires.
L’auteur illustrateur arrive, il salue son public, s’installe devant ses livres qu’il commentera un à un. D’abord Le monde à l’envers où le personnage central se retrouve à l’envers dans le décor. «L’enfant se sent mal dans le monde qui l’entoure, au fil des pages, il va peu à peu trouver une place et se sentir mieux« . Avant même qu’un auditeur demande «c’est pour quel âge ?», Mario Ramos répond, «je n’ai jamais écrit un livre en pensant à l’âge du lecteur. Un enfant de trois ans comprendra différemment l’histoire de celui de 8 ans ou d’un adulte mais tous y trouveront du plaisir». En montrant Quand j’étais petit«celui-ci, beaucoup d’adultes l’offrent à d’autres adultes parce qu’il renvoie à ce qu’on était enfant et ce qu’on est devenu».
La différence (Roméo et JulietteUn monde de cochons), la peur (Le petit soldat qui cherchait la guerreLoup y es-tu ?, La peur du monstre), l’identité (Le loup qui voulait être un mouton), le pouvoir et la responsabilité (Nuno le petit roi, Le roi est occupé, Arrête de faire le singe) sont des thèmes récurrents dans l’œuvre de Mario Ramos. «À travers une fiction, il est possible d’aborder des thèmes difficiles pour les enfants. C’est la distance de la fiction qui apporte cette facilité». Le tout teinté d’humour. Comme dans sa « série » – il n’aime pas employer ce terme – du loup : C’est moi le plus fort, C’est moi le plus beau et Le plus malin (son dernier). Les deux premiers écrits en randonnée (les personnages des contes traditionnels se succèdent) à cinq ans d’intervalle présentent une caricature du loup : il est fier, aime faire peur mais est tellement méchant qu’il en est bête. «Regardez-le avec sa cravate, sa démarche fière et son torse bombé, on dirait un homme politique en campagne électorale ! Je me suis inspiré de ce genre de personnage pour le dessiner d’ailleurs». Le vice-président du conseil général, Gérard Silighini, et sa cravate sont dans l’assemblée.
La fin de la rencontre devait être consacrée à une séance de dédicaces, mais le temps pressant, il faudra revenir le lendemain, à la librairie l’Oiseau Lire. Face à face, Mario Ramos nous consacrera un long moment. Pour reparler de ses livres qu’il crée «tout seul, c’est très personnel la création, ça dépend de ce qu’on a vécu et mes livres font référence à mes souvenirs. C’est plus fort lorsque le texte et les illustrations sont faits par une seule personne». De ses influences : « Tomi Ungerer, Arnold Lobel, Maurice Sendak et Hergé m’ont donné envie de dessiner. Les contes comme le Petit Chaperon rouge et Pinocchio ont influencé mon écriture et les films de Chaplin que j’ai découverts enfant, font partie de mon travail». Et de conclure : «ce qu’il faut pour un livre de jeunesse, c’est qu’il dérange». Alors on veut bien être encore dérangé.
Béatrice Cherry-Pellat, 18 décembre 2012, pour la Librairie Sorcière L’Oiseau Lire d’Evreux