Chère Madeline, (part 2 – À ma source gardée, éd. Thierry Magnier) – par la librairie Rêv’en pages

[part 1 de cette chronique, consacrée à L’Été de Léa (éd. Sarbacane) : ici]

Il paraît qu’un bonheur n’arrive jamais seul. Je ne sais pas qui a dit ça. En tout cas – preuve en mains – moi je le dis. Et vous pouvez facilement le vérifier: L’Été de Léa à peine refermé, ouvrez À ma source gardée. Vous y retrouverez la même jolie musique, dont le titre donne déjà le ton. À ma source gardée… Je crois que rien que pour ça, même sans en connaître l’auteure, même sans être départi de toute ou partie de mon objectivité, j’aurais eu envie d’ouvrir ce livre. Comme quoi c’est important, parfois, un titre. Ça en dit à la fois très long et souvent pas assez. Mais ici, croyez-moi, ça donne déjà toute la dimension de ce livre à part. Et oui, encore un. Un coup double. Deux romans de Madeline à quelques semaines d’intervalle, et déjà une empreinte remarquable dans le foisonnement de l’édition jeunesse.

À ma source gardée est un roman d’amour. Pas un roman à l’eau de rose, non. Bien loin de ça. C’est même un roman dur, un roman qui bouscule et qui vous entraîne dans le torrent des sentiments de Jeanne, un jour où tout bascule. Un jour où l’on passe des certitudes au néant. Il y a quelque chose de Jules et Jim dans l’histoire de Jeanne. Sauf que cette Jeanne-là, elle attendait Lucas, et qu’elle ne s’attendait surtout pas à Tom. Et encore moins à cet autre, désormais niché au creux de son ventre.

Comme beaucoup d’histoires d’amour qui finissent mal, en général, ce livre est d’abord une histoire d’amis qui vire en histoire d’amour. Construit à la première personne, ce roman vous attache, dans tous les sens du terme, au personnage de Jeanne, fragile et tellement forte à la fois. Tellement vraie surtout. Car au delà du style, il y a, chez Madeline, de la vérité à tous les coins de mots. Des mots qui subliment les personnages, des mots qui se passent de décorum parce qu’ils habillent l’espace, par petites touches sensibles comme on accroche des couleurs à un tableau. Alors certes, ce tableau là, c’est plutôt l’école des gris et des larmes. Mais on y apprend avec Jeanne que le jour se lève encore, et c’est sans doute là le point fort de ce drame magnifiquement décrit et finalement débordant d’optimisme. «On avait fait le tour des mots. Je crois. Ma peau réclamait sa peau, à présent. Ça devait faire un boucan énorme.»

Cyril Malagnat, librairie Rêv’en pages à Limoges

À ma source gardée – Madeline Roth- éd. Thierry Magnier – Date de parution: février 2015