C’est l’histoire d’un loup qui, empli d’ennuis au sein de la meute, décide de partir et de quitter les siens. Ses tentatives pour lier de nouvelles amitiés se révèlent toutes infructueuses, la «peur du loup» le rattrapant à chacune de ses rencontres. Sauvé de la noyade par une «petite créature» (qui se révèlera être un enfant), il partagera alors une amitié sincère mais que le poids des préjugés vouera à être tenue secrète… Comme les ours de Tout là-haut (le précédent album des mêmes auteurs chez le même éditeur), le loup est envisagé comme un être neuf, candide, ouvert à tout ce qui lui arrive; il y a aussi la même certaine mélancolie, une sensibilité que l’on retrouve dans les couleurs naturelles, «organiques», choisies par Florian Pigé. La couverture introduit l’histoire avec le loup au crépuscule, un loup dont le cou, enroulé d’une écharpe rouge, pique la curiosité. L’album se ferme sur ce même crépuscule, mais quelque chose a sans doute changé. Il nous faudra donc découvrir ce secret pour comprendre…- Librairie À Titre d’Aile
Dans l’atelier de Morgane de Cadier et Florian Pigé : impulsifs mais ensemble !
Les articles de Citrouille dans le rétro — C’était un peu moins lourd qu’un carton de livres, mais tout de même! Il pesait un peu dans les marches d’escalier de cet immeuble de caractère, au cœur du troisième arrondissement de Lyon. Je l’avais reçu l’avant-veille, envoyé par Loïc, des éditions HongFei; un bon vin, que je ne devais pas oublier en me rendant à «l’atelier» de ceux que j’allais interviewer pour Citrouille: Morgane de Cadier et Florian Pigé. Qui était donc ce jeune couple lyonnais, auteur de l’album Le secret du Loup aux éditions HongFei, et qui méritait cette attention toute particulière de leur éditeur à l’occasion du dixième anniversaire de la maison? Et quelle attention, dites-donc! Lorsqu’ils m’ouvrirent la porte, les deux jeunes gens au visage souriant étaient eux-mêmes affairés à agencer les victuailles reçues de leur côté pour notre rendez-vous… Mais bon, je n’en dirai pas davantage de la douceur, de la musique, de la lumière tamisée par les volets baissés, pour m’attacher à vous restituer l’échange que nous avons eu durant ces deux heures… Et j’espère qu’après la lecture de cet article, vous aurez la sérieuse envie de découvrir le travail de ces deux artistes et que vous serez attentifs à leurs prochaines sorties – aux éditions HongFei mais chez d’autres éditeurs aussi, Balivernes par exemple. (Par Carole Ohana – librairie À Titre d’Aile – à l’occasion de L’invité arrive, un partenariat d’animations entre les Librairies Sorcières et les éditions HongFei Cultures.)
Si vous leur demandez comment ils se sont rencontrés… Ils vous répondent avec un petit sourire que lui en dernière année, elle en première, se sont rencontrés lors d’une des fêtes de l’école d’illustrateurs Émile Cohl de Lyon…
Si vous leur demandez comment est né leur premier album, sorti chez HongFei… À ma grande surprise, j’apprends que leur intérêt pour la littérature de jeunesse ne guidait pas leur parcours d’étudiants en illustration et dessin… «C’est venu comme ça, raconte Florian, sans rien connaître à la littérature de jeunesse.» Un jour, il dit à Morgane: «Tu écris bien, tu ne veux pas écrire un livre d’ours qui regardent des montgolfières?». Et elle l’a écrit, avec des phrases simples: «J’écris en quantité et je simplifie, je raccourcis». Et lui a dessiné – précisant que pour ce projet, il avait été à son «maximum», et que si ça n’avait pas marché, il se serait sans doute dirigé vers une autre voie. Ensemble, ils ont envisagé l’album comme «un objet abouti, fini, jusqu’à son format». Et, ensemble en mars 2014, ils sont allés le présenter aux éditeurs sur le salon de Bologne – avec, tous les deux, la même peur de la critique au ventre! Puis ils sont rentrés. Morgane, «pragmatique» a alors appelé les uns, les autres, en vain… Mais ces ours observant passer ces montgolfières au-dessus de leur tête… Ces ours portant, comme leurs créateurs, un regard neuf, presque naïf sur ce qui les entoure, un regard appelant au voyage, à la rencontre de l’autre… Cette candeur, cette curiosité, cette envie de grandir qui résonnent pour les enfants (et qui déconcertent certains adultes)… Tout cela ne pouvait que retenir l’attention des éditions HongFei qui contactèrent elles-mêmes les jeunes artistes quelques mois plus tard. Et Tout là-haut parut en 2015, maquetté tel qu’ils le voulaient, dans le format bien réfléchi qu’ils avaient choisi, racontant des choses jusqu’à la page de garde! Il faut dire que Morgane et Florian se définissent eux-mêmes comme «capricieux, perfectionnistes, exigeants»…
Si on leur demande ce qui s’est passé depuis ce premier album… «Nous avons beaucoup d’imagination, raconte Florian, une imagination qui jaillit sous la forme de jeux de ping-pong entre nous. Lorsqu’on a une idée, on en parle tout le temps… Et Morgane sait merveilleusement retranscrire tout ça!». Un deuxième album, Chut, évoquera alors les relations entre voisins – la fraîcheur et l’ouverture de l’un, le désabusement et la fatigue de l’autre, jusqu’à la rencontre, jusqu’à l’ouverture là aussi… Leur troisième album, Le secret du Loup, paraîtra en novembre. «Et puis, depuis l’édition de notre premier album, on écume toutes les librairies, on achète des livres tout le temps!»
Si on leur demande ce qu’ils pensent de la critique sociale de leurs ouvrages…. «C’est vrai, la critique nous prête souvent des messages à intention sociale; cela transpire peut-être mais, nous, on fait des choses qui nous amusent… On est impulsifs, on ne prévoit rien à l’avance… On décide rarement d’aller au cinéma plus de dix minutes avant d’y aller!»
Si on leur demande ce qu’ils aiment en dehors de la littérature de jeunesse… Pour Florian, au vu du tee-shirt de Jurassic Park qu’il porte et des nombreuses bestioles qui logent sur les étagères, je devine avant qu’il ne réponde: les dinosaures! Et puis, pour les deux, en vrac: «Le noir, la pénombre, et puis surtout la musique, les films, les comédies musicales, celles comme Grease ou Phantom of the Paradise… D’ailleurs on écrit et on dessine sur de la musique, plutôt douce à ce moment-là, parce qu’il nous est plus facile de travailler dans un environnement calme.»
Si on parle avenir à Morgane… Après avoir quitté Émile Cohl, Morgane a repris ses études de dessin dans une autre école lyonnaise, l’école Bellecour, et elle vient à peine d’y terminer ses études. J’ai pu apercevoir quelques-uns de ses dessins: des maisons aux architectures à la fois précises et aux lignes et courbes décalées, empreintes d’une imagination débordante; des arbres aux troncs noueux qui trouveraient une place au sein d’histoires fantastiques… Tout cela est encore caché, peut-être pas encore assumé… Morgane ne se sent pas encore légitime, et pourtant! Elle rêve aujourd’hui d’un projet de livre documentaire, un livre d’exploratrice… Pas un de ces documentaires «historiques» donnant à voir la suprématie d’un colonisateur français… Non, plutôt un documentaire donnant à voir le contenu d’un sac, celui-là même de cette exploratrice… Éditeurs: à bon entendeur! Cette illustratrice recèle un talent caché dans le grand placard de son atelier!
Et si on parle avenir à Florian… Florian, lui, s’affaire à un projet pour les moins de trois ans, Si petit, qu’il illustre à partir d’une nouvelle technique, les tampons. Il revient donc à un travail «sur table» et non pas à l’ordinateur, il découpe, colorie et refait inlassablement lorsque cela ne correspond pas… Il retrouve de nouveau, et avec plaisir, ce travail d’artisan qui, pour être repris, doit être entièrement refait et non pas simplement corrigé d’un coup de souris numérique…
Propos recueillis par Carole Ohana, Librairie Sorcière À Titre d’Aile à Lyon