Dans ma penderie tout est noir, vieux et moche…

Les beaux jours reviennent (presque) et comme toutes les filles un peu sensées qui réfléchissent aux choses essentielles de la vie, je trouve que j’ai vraiment rien à me mettre. Dans ma penderie tout est noir, vieux et moche. Dans celle de Morgenstern, tout était vieux, moche mais avec des couleurs improbables : jaune canari, vert caca d’oie ou orange moutarde. Voire les trois à la fois.

C’est que dans la tribu très féminine des Morgenstern le noir était banni: « Le noir c’est pour les enterrements, la couleur de la mort, disait ma mère (…) le noir c’est pour les veuves qui pleurent, les orphelins et les beatniks ! »

Et dans la famille on n’est pas du genre à pleurnicher; c’est un tourbillon de vie permanent qui emporte tout sur son passage, une flopée de sœurs un peu fofolles et très coquettes, une maman survoltée qui ne jure que par les habits en soldes, le rapiéçage et les vieilles fringues recyclées.

Aussi Suzie enfant et jeune-fille a toujours eu le sentiment d’être mal attifée, jamais dans le coup, toujours décalée. Ses rondeurs mal assumées, son peu de goût pour la mode et et son refus des conventions ont fait le reste. « Les robes de la créature que je voudrais être sont confinées dans ma tête ».

Les ambitions de celle que ses amis surnommeront « Susie Shakespeare » sont ailleurs : écrire, réfléchir, étudier, faire de la musique et du théâtre. Sans oublier de rire de tout.

« Les vêtements parlent de notre classe sociale, de nos origines, de notre histoire familiale, de nos opinions, de notre état d’esprit et même de notre statut sexuel et de nos orientations. Est-ce que je ne préfère pas utiliser les mots pour tout ça au lieu de me révéler en un coup d’œil ? »

Dans ce récit sous forme de monologue Susie Morgenstern nous livre ses souvenirs avec toute la tendresse, la bonne humeur et la verve qu’on lui connaît.

On retrouve ainsi beaucoup des thèmes qui courent en filigrane dans ses romans de « fiction », même si aucun ne l’est entièrement. On y apprend surtout que malgré ses complexes et ses looks improbables, la petite juive américaine est devenue, certes une sommité en littérature jeunesse, mais au delà une femme follement amoureuse (d’un mathématicien français !), une mère et une grand-mère comblée qui déborde de projets.

Un témoignage touchant qui séduira peut-être plus facilement ceux qui connaissent déjà l’univers de l’auteur.