David Dumortier a publié plusieurs ouvrages dans des collections jeunesse, chez Chêne éditeur, Rue du monde, Motus ou Sarbacane – dont deux titres retenus dans ses sélections par le Ministère de l’Éducation nationale.
ANNE HELMAN: David, peux-tu me dire ce qu’est, à ton sens, la liberté dans l’écriture? Et te considères-tu toi-même comme un poète libre?
DAVID DUMORTIER: La liberté et le livre sont intimement liés par leur étymologie. Rappelons que «livre» vient du latin «liber». La liberté aujourd’hui de l’écrivain est autant attaquée par des groupuscules intégristes que par une frange du public qui s’est crispée sur des sujets touchant aux mœurs. Pour le dire plus clairement, la censure vient autant du pouvoir que de l’opinion. On l’a vu avec l’affaire du livre Tous à poil! où la censure d’un certain public a rejoint celle de politiques. Mais le mouvement a peut-être été inverse. En tout cas, ils se sont entendus pour envoyer des commandos rafler les livres qui leur déplaisaient dans les rayons des bibliothèques. On ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de condamnations judiciaires! On a une fois de plus laissé faire… Plus personnellement, j’ai passé un contrat avec moi-même, en me promettant de fuir tout ce qui ressemble à l’esclavage, la soumission et l’obéissance. Et comme j’ai toujours ressenti ces trois spectres dans la plupart des romans, j’ai plutôt choisi la poésie, qui est à mon avis la dernière à être encore insolente. Alors suis-je un poète libre? On ne peut pas le dire, non, mais je mène le combat.
DAVID DUMORTIER: La liberté et le livre sont intimement liés par leur étymologie. Rappelons que «livre» vient du latin «liber». La liberté aujourd’hui de l’écrivain est autant attaquée par des groupuscules intégristes que par une frange du public qui s’est crispée sur des sujets touchant aux mœurs. Pour le dire plus clairement, la censure vient autant du pouvoir que de l’opinion. On l’a vu avec l’affaire du livre Tous à poil! où la censure d’un certain public a rejoint celle de politiques. Mais le mouvement a peut-être été inverse. En tout cas, ils se sont entendus pour envoyer des commandos rafler les livres qui leur déplaisaient dans les rayons des bibliothèques. On ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de condamnations judiciaires! On a une fois de plus laissé faire… Plus personnellement, j’ai passé un contrat avec moi-même, en me promettant de fuir tout ce qui ressemble à l’esclavage, la soumission et l’obéissance. Et comme j’ai toujours ressenti ces trois spectres dans la plupart des romans, j’ai plutôt choisi la poésie, qui est à mon avis la dernière à être encore insolente. Alors suis-je un poète libre? On ne peut pas le dire, non, mais je mène le combat.
ANNE HELMAN: Certains de tes livres montrent que tu as pris de fait cette liberté de te dévoiler dans tes livres, de dire qui tu étais à travers tes personnages. Vrai ou faux?
DAVID DUMORTIER: J’ai eu le bonheur d’écrire un gros fragment de ma vie dans un livre, adulte je précise, intitulé Travesti et publié aux éditions Le Dilettante. Pour ce qui est de mes livres jeunesse, je pense à La Clarisse ou Mehdi met du rouge à lèvres (tous deux chez Cheyne éditions), je ne peux pas affirmer qu’ils sont moi. Ce sont plutôt des marionnettes qui mettent en scène des enfants marginaux. La Clarisse est une enfant malmenée par la vie et Mehdi est un enfant travesti. Mais mes deux personnages se défendent bien, ce ne sont pas des victimes, ce sont des guerriers! Je comprends qu’ils n’aient pas plu à ceux qui ne jurent que par la soumission de l’Humanité et surtout la part la plus pauvre de l’Humanité. Ces livres ne sont pas venus pour me dévoiler, ils sont venus pour toucher les enfants, les amener à réfléchir sur les autres et sur eux-mêmes, les amener surtout à lire un livre et qu’à travers ces personnages ils prennent à leur tour la Parole. Je voudrais que les enfants soient épanouis et heureux de vivre. Quand ils ne le sont pas, j’aimerais que des livres les consolent. C’est tout ce que je puis faire…
DAVID DUMORTIER: J’ai eu le bonheur d’écrire un gros fragment de ma vie dans un livre, adulte je précise, intitulé Travesti et publié aux éditions Le Dilettante. Pour ce qui est de mes livres jeunesse, je pense à La Clarisse ou Mehdi met du rouge à lèvres (tous deux chez Cheyne éditions), je ne peux pas affirmer qu’ils sont moi. Ce sont plutôt des marionnettes qui mettent en scène des enfants marginaux. La Clarisse est une enfant malmenée par la vie et Mehdi est un enfant travesti. Mais mes deux personnages se défendent bien, ce ne sont pas des victimes, ce sont des guerriers! Je comprends qu’ils n’aient pas plu à ceux qui ne jurent que par la soumission de l’Humanité et surtout la part la plus pauvre de l’Humanité. Ces livres ne sont pas venus pour me dévoiler, ils sont venus pour toucher les enfants, les amener à réfléchir sur les autres et sur eux-mêmes, les amener surtout à lire un livre et qu’à travers ces personnages ils prennent à leur tour la Parole. Je voudrais que les enfants soient épanouis et heureux de vivre. Quand ils ne le sont pas, j’aimerais que des livres les consolent. C’est tout ce que je puis faire…
ANNE HELMAN: Une question épineuse maintenant, qui s’adresse autant à l’homme qu’à l’écrivain. Crois-tu, dirais-tu, que nous sommes des hommes et femmes libres? Ne penses-tu pas que la liberté est une utopie?
DAVID DUMORTIER: Je pense que l’esclavage ne s’est jamais aussi bien porté. Je pense qu’aujourd’hui il n’est plus besoin de capturer des humains pour les entasser dans la cale d’un navire négrier et les fouetter ensuite dans une plantation sucrière. Le plus simple est de les recruter là où ils sont. Actuellement, avec quarante euros par mois une entreprise peut exploiter un Éthiopien. Je sais que la lutte des classes est terminée au plus grand bonheur de ceux qui l’ont gagnée. Quant à la grande majorité des travailleurs des pays riches ils sont, sous prétexte de quelques acquis sociaux, dans un état de stress et de pression tel que leur sort ressemble un peu à cet ouvrier éthiopien que j’évoquais. Ce système, bien décrit par La Boétie, fonctionne parce que chacun le sert un peu beaucoup… Les grandes luttes collectives ayant pour l’instant échoué, on peut toutefois sauver a minima sa peau. Voilà ce que j’essaie de dire aux enfants en écrivant ou quand je les rencontre. Je les invite à trouver en eux les moyens d’être libre en lisant, en écrivant, en raturant, en ayant une Langue pour penser et se défendre avec talent et vocabulaire. Il y a deux millions d’enfants pauvres en France, donnons-leur quelques clés… Pour revenir à mon propre passé, j’ai été enfermé neuf ans durant dans un pensionnat et, à la lumière de ces sombres années, je vous certifie que la liberté existe une fois que l’on a franchi la porte. Ce n’est pas une utopie la liberté. Être libre c’est être dans un lieu que l’on a choisi. Avec l’utopie on est nulle part. Moi je suis dans un lieu, j’ai trop le sens des réalités et les lieux que je ne désire pas, je les ai presque tous licenciés.
DAVID DUMORTIER: Je pense que l’esclavage ne s’est jamais aussi bien porté. Je pense qu’aujourd’hui il n’est plus besoin de capturer des humains pour les entasser dans la cale d’un navire négrier et les fouetter ensuite dans une plantation sucrière. Le plus simple est de les recruter là où ils sont. Actuellement, avec quarante euros par mois une entreprise peut exploiter un Éthiopien. Je sais que la lutte des classes est terminée au plus grand bonheur de ceux qui l’ont gagnée. Quant à la grande majorité des travailleurs des pays riches ils sont, sous prétexte de quelques acquis sociaux, dans un état de stress et de pression tel que leur sort ressemble un peu à cet ouvrier éthiopien que j’évoquais. Ce système, bien décrit par La Boétie, fonctionne parce que chacun le sert un peu beaucoup… Les grandes luttes collectives ayant pour l’instant échoué, on peut toutefois sauver a minima sa peau. Voilà ce que j’essaie de dire aux enfants en écrivant ou quand je les rencontre. Je les invite à trouver en eux les moyens d’être libre en lisant, en écrivant, en raturant, en ayant une Langue pour penser et se défendre avec talent et vocabulaire. Il y a deux millions d’enfants pauvres en France, donnons-leur quelques clés… Pour revenir à mon propre passé, j’ai été enfermé neuf ans durant dans un pensionnat et, à la lumière de ces sombres années, je vous certifie que la liberté existe une fois que l’on a franchi la porte. Ce n’est pas une utopie la liberté. Être libre c’est être dans un lieu que l’on a choisi. Avec l’utopie on est nulle part. Moi je suis dans un lieu, j’ai trop le sens des réalités et les lieux que je ne désire pas, je les ai presque tous licenciés.
Propos recueillis par Anne Helman, Librairie Chat Perché au Puy-en-Velay
Bio et bibliographie sur le site du Printemps des Poètes : ici.
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