« Si je dois parler de mon enfance, j’ai envie de raconter le seul vrai souvenir de ma petite enfance, celui qui me revient du plus loin qu’il m’en souvienne…
C’était en Algérie, où nous avons vécu quelques années, je devais avoir trois ou quatre ans. C’était un jour brûlant, nous longions une rue ombragée qui nous menait à la boutique du glacier.
Une grande fraîcheur nous saisissait dès que nous poussions sa porte. L’atmosphère était jaune citron – à moins que ce ne fut le parfum de ma glace. L’odeur des sorbets se mêlait à celle de la gaufrette, et par dessus tout, ouvrant l’essentiel de mon souvenir, il y avait un invraisemblable gazouillis d’oiseaux multicolores, piaillant de cage en cage, petit chant de plumes léger…
La musique, le goût, le contraste du chaud et du frais, de l’ombre et de la lumière, tout se mêle… Délicieuse gourmandise de ma petite enfance…
J’ai souvent l’impression d’être restée dans ce monde de lumière, du soleil de Constantine, sensations douces comme un bonbon… Depuis, j’aime les ombres qui s’étirent, longues ou courtes, colorées comme chez les Nabis… L’ombre d’un tilleul centenaire sur l’herbe de l’été, quand la nature bourdonne et que l’on ferme les yeux.
Dans mes dessins, c’est ce goût de la lumière cachée dans l’ombre que l’on retrouve.»
Nathalie Novi – article paru dans Citrouille, 2000 – Auto-portrait 1997.