Si Jean-Philippe Arrou-Vignod s’est nourri durant son enfance d’aventure et de mystère, ses livres nous le disent. Il n’a rien oublié de son plaisir, de ses frissons et de ses rires d’enfant. Dans la série des Jean-Quelque-Chose où l’humour et l’espièglerie excellent, les nombreux dialogues se prêtent naturellement à une lecture orale que même les plus jeunes sont en capacité d’apprécier. Dans les Enquête au collège, les jeunes lecteurs feront leurs premières découvertes de l’univers des intrigues et du suspense, l’écriture est vivante et dynamique. Dans Magnus et Mimsy, pour les collé- giens, il nous emmène dans des aventures fantastiques, l’humour est toujours bien présent et vient mettre de la distance à la dramaturgie des situations. Les héros intrépides et courageux, finement dépeints savent se sortir d’épi- neuses situations sans l’aide des adultes qui n’ont pas les meilleurs rôles dans ces histoires. Le ton est toujours juste et le plaisir de la lecture est bien réel.
PATRICIA MATSAKIS: Nous allons fêter les trente ans de la série Enquête au collège. Si mes calculs sont bons, vous les avez écrites à un rythme de trois ans trois quarts. On ne peut pas dire que vous avez lassé votre lectorat! Quelle est la motivation pour l’écriture d’un nouveau tome?
JEAN-PHILIPPE ARROU-VIGNOD: Le charme des séries, pour le lecteur, réside souvent dans le fait qu’elles promettent de fournir, volume après volume, des plaisirs inépuisables. J’en suis moi-même, et depuis l’enfance, un grand amateur. Mais elles présentent, pour l’auteur, le risque de rabâcher, de se caricaturer ou pire, d’écrire le livre de trop, simplement pour ajouter un peu artificiellement un nouvel épisode à la série. Au lieu d’enchaîner les Enquête au collège, j’ai préféré prendre mon temps, alterner les projets et attendre que les personnages reviennent me tirer par la manche et me dire: «Eh! C’est à nous, maintenant! Si tu nous trou- vais un petit mystère à résoudre?» De cette façon, je ne me suis jamais lassé de mes personnages. Au contraire, je leur ai laissé le temps de me manquer. Les retrouvailles n’en étaient que plus joyeuses, comme cela se passe avec de vieux amis qu’on n’a pas vus depuis longtemps. Après huit enquêtes, Rémi, Mathilde et P.P Cul-Vert ont gardé la même fraîcheur pour moi. J’ai vieilli mais pas eux! Ils restent éternellement les collégiens de 4e dont j’ai fait connaissance pour la première fois, trente ans plus tôt, avec Le professeur a disparu.
PATRICIA MATSAKIS: Quand on considère votre carrière d’auteur pour la jeunesse, il va sans dire que vous êtes particulière- ment à l’aise dans l’écriture pour la tranche d’âge des neuf-douze ans. Est-ce un choix délibéré?
JEAN-PHILIPPE ARROU-VIGNOD: Je ne crois pas que ce soit un choix délibéré. Cela tient plutôt au fait que cet âge de neuf-douze ans a été le plus merveilleux et le plus intense de toute ma vie de lecteur. Celui où j’ai dévoré toutes les séries d’aven- tures et de mystères disponibles à la bibliothèque municipale: les Club des cinq, les Fantômette, les Alice, les Michel, les Langelot agent secret ou les Trois jeunes détectives d’Alfred Hitchcock, pour n’en citer que quelques-unes. Il m’arrivait d’enchaîner trois livres d’affilée dans la même journée tant ils étaient passionnants, et je me serais volontiers damné pour vivre dans la vraie vie des aventures semblables! Quand j’ai écrit mon premier livre jeunesse, ce sont toutes ces lectures qui sont revenues avec force. Sans doute, grâce à elles, y a-t-il encore dans l’adulte que je suis aujourd’hui un petit garçon qui a encore dix ans.