Elle s’appelle George…


Hou hou y’a quelqu’un ? <—— je suis là.
Ben il était temps… <——- c’est exact.
On se la coule douce ? <——— même pas.
Tu en as profité pour lire des tonnes de livres au moins ? <——- non.

Une reprise en fanfare qui transpire l’attrait du travail et transcende nos détresses intrinsèques mais sans transition nous allons traiter du transgenre.

Il s’appelle George.

Disons plutôt qu’elle s’appelle George.

Elle est née garçon mais c’est bien une fille qu’elle est au fond d’elle, sans que personne ne le sache, ni sa maman, ni son frère, ni même Kelly sa meilleure amie.

George collectionne en cachette des revues féminines qu’elle planque dans un sac au fond de son placard. Elle aime y regarder les filles en maillot de bain, y lire les conseils en maquillage et se projeter dans cet univers qui lui est à la fois si proche et tellement inaccessible :

« George aurait bien aimé être avec elles, elle s’y voyait tout à fait, hilare, bras dessus bras dessous. Elle porterait un bikini rose vif, elle aurait de longs cheveux que ses nouvelles copines adoreraient tresser. Elles lui demanderaient son nom, elle leur répondrait « Je m’appelle Mélissa ». Mélissa était le nom qu’elle se donnait à elle-même, quand personne ne la regardait et qu’elle rabattait ses cheveux brun-roux sur son front, comme une frange ».

George a bien souvent l’impression que sa véritable identité transpire par tous les pores de sa peau, mais il faut bien se rendre à l’évidence, aux yeux des autres George est un garçon, point final.

Viendra bien un jour pourtant où elle arrivera à le dire, à le crier mais jusqu’ici quelque chose l’en empêche, quelque chose qui s’apparente à la honte, à la peur de décevoir, de se heurter au regard des autres, de sortir des petites cases bien confortables où chacun est censé trouver sa place dès la naissance.

C’est grâce au théâtre et à un spectacle préparé en classe que George va arriver à se dépasser : le rôle féminin doit lui revenir, George le connaît par cœur, de bout en bout, le ressent de l’intérieur et ne peut imaginer jouer un autre personnage.

Les répétitions avec Kelly la conforte dans ses choix, mais là encore George s’étonne que sa meilleure amie ne perçoive pas sa véritable identité : se peut-il que personne, même les plus proches, ne comprenne qu’elle est une fille ?

Mais George est résolue à jouer ce rôle féminin coûte que coûte, quitte à s’attirer les foudres de sa classe, à prendre tout le monde de court…

Un très joli roman, court et facile à lire, dont on pressent, nous lecteurs adultes, le dénouement positif.

Pour autant, les réactions des proches, entre ébahissement, incompréhension et rejet ne sont pas passées sous silence et feront vraiment partie du douloureux parcours de George.

Ce qui est intéressant et intelligent à la fois c’est ce parti pris de non-ambiguité dès le départ : oui, le héros s’appelle George, il est né de sexe masculin, mais c’est bien une fille dont on va parler au féminin tout au long du récit.

Il est rare que le sujet du transgenre soit abordé dans des romans pour de si jeunes lecteurs (9-12 ans à peu près pour celui-ci), mais c’est fait ici avec beaucoup de finesse et de naturel je dirais, puisque nous suivons vraiment George dans sa vie quotidienne d’enfant, l’école, la famille, les amis.

Cette simplicité et cette immédiateté tiennent peut-être à l’auteur qui est lui-même un adulte transgenre et qui a su avec beaucoup de fraîcheur raconter cette histoire sûrement très personnelle.

Elle fera certainement écho à un autre titre destiné lui aux ados, Le secret de Grayson, que j’ai lu et beaucoup aimé sans l’avoir chroniqué, mais peut-on être à la fois au four, au moulin, à la librairie, dans son canapé et sur le blog ?