Éloge des fins heureuses — Coline Pierré

«L’art et la fiction ont cette capacité unique de pouvoir transcender la réalité, de ne pas seulement dire le monde mais de le perturber, de le déséquilibrer, de l’éclairer sous un nouveau jour pour nous le révéler dans ce qu’il a de très beau ou de très moche, et dans ce qu’on peut tenter de changer.» Clotilde Galland (librairie Les Enfants Terribles) a rencontré l’autrice de Nos mains en l’air, Coline Pierré. 


CLOTILDE GALLAND: Je me souviens qu’au début tu mettais ton talent d’autrice au service d’une variété de pomme de terre… Quel chemin d’écriture t’a donc menée de la pomme de terre à Nos mains en l’air?

COLINE PIERRÉ: Adolescente puis jeune adulte, je tenais des blogs, j’écrivais des chansons, des nouvelles, et beaucoup de débuts de romans que je laissais tomber au bout de quelques chapitres, faute de persévérance et de confiance en moi, sans doute. C’est pendant mes études que j’ai compris que je voulais faire quelque chose qui avait à voir avec l’écriture, parce que l’écriture était ma langue, mon élément. Je me suis d’abord retrouvée à rédiger des textes de communication. Par un curieux hasard, je suis devenue spécialiste de la bouffe: j’ai écrit sur la pomme de terre, sur le chocolat, les champignons, plusieurs restaurants, les pommes, la nutrition, le thé… C’était mon métier, je me débrouillais bien, mais ça m’ennuyait prodigieusement. Je voulais écrire des romans, inventer des histoires, créer des personnages, et je n’y arrivais pas. Alors, avec les encouragements de Martin, mon compagnon, je me suis remise à écrire des choses plus personnelles. Je me suis accrochée à une idée, je me suis obligée à l’achever, j’ai abandonné et repris plusieurs fois ce texte, et j’ai eu la chance qu’une éditrice le refuse mais avec des propositions de réécriture, puis qu’elle le publie par la suite. C’était Apprendre à ronronner, paru à L’école des loisirs en 2013. Cette publication m’a débloquée. J’ai redécouvert la littérature jeunesse et j’ai compris que c’était là que je pour- rais trouver ma place, là qu’était la littérature qui me correspondait. Être publiée m’a rendue légitime à mes propres yeux. Ensuite, j’ai simple- ment suivi mes envies, écrit les textes qui m’enthousiasmaient… jusqu’à Nos mains en l’air.

Avec Martin Page, vous formez un duo, dans la vie mais dans l’écriture aussi; j’ai l’impression qu’avec Nos mains en l’air tu as trouvé à la fois ta voie et ta voix…

Ce qui a changé, peut-être, avec Nos mains en l’air, c’est que jusqu’à ce livre, j’écrivais en fonction de mes capacités et de mes incapacités. Je ne savais pas écrire les dialogues, alors je mettais en scène des personnages solitaires dans des histoires intimistes. À partir de La révolte des animaux moches, j’ai vraiment appris à écrire des dialogues, à mettre en scène plusieurs personnages en même temps, à manier le rythme, à penser au cinéma pour créer visuellement des scènes, et j’adore ça. Désormais, je me permets plus de choses, je crois, si j’ai envie d’écrire quelque chose que je ne sais absolument pas comment écrire (une course-poursuite, par exemple), et bien je le fais, et j’apprends en faisant. Je ne crois pas que Nos mains en l’air soit plus ou moins ma voie/voix que les livres que j’ai écrits précédemment, j’ai une relation très intime avec chacun d’eux, y compris avec le personnage que j’incarne (Flora) dans les livres co-écrits avec Martin Page, et qui me ressemble beaucoup. Mais j’imagine – j’espère! – que mon écriture évolue, que je m’améliore à chaque livre. 

Lire la suite de cette interview dans le n°84 de Citrouille à découvrir dans les Librairies Sorcières et sur des stands d’éditeurs à Montreuil, dont ceux d’Actes Sud, Rouergue, Gallimard, Flammarion, Rue du monde, Ecole des loisirs…