Elsa Oriol: Je vais souvent puiser au fond de moi, toutes ces petites blessures que nous portons tous en nous depuis des années et qui rejaillissent parfois. L’enfance ne nous quitte jamais. En amitié, comme en amour, on a le droit de se tromper, de ne pas être en phase avec la bonne personne qu’on croyait faite pour soi. Cela appartient aux désillusions de l’enfance. Aucun parent ne peut protéger son enfant de cela.
La fille en bleu | éd. | Kaléidoscope |
E.O.: Les rapports peuvent être très durs et très violents entre les enfants. Souvent ils ne prennent ni détour, ni gants pour vous dire ce qu’ils pensent ou ont sur le cœur. Ils ne sont pas dans la politesse. Quand ils n’aiment pas, ils le font savoir. La fille en bleu ne veut pas de l’amitié de Manon et le lui fait sentir. Malgré la surenchère de gentillesse, elle reste froide. Heureusement la fin du livre montre que dans la vie, les belles choses arrivent souvent là où on les attend le moins.
Comment qualifieriez-vous la relation que vous entretenez avec Kaléidoscope?
E.O.: J’ai rencontré Isabel Finkenstaedt en 2004 alors que je n’avais jamais illustré d’albums pour la jeunesse. Sa ligne éditoriale exigeante, son éclectisme m’ont plu. Elle m’a d’abord testée sur les textes des autres. Depuis 2011, je lui ai proposé des textes. Je lui montre les textes et si elle les retient, je les illustre dans un deuxième temps.
Que préférez-vous maintenant que vous êtes à la fois auteure et illustratrice?
E.O.: Il faut aller au plus profond de soi pour parvenir à mettre des mots en images. Il y a parfois quelques moments de grâce qui procurent un réel plaisir. J’aime la phase où nous échangeons toutes les deux autour d’un futur découpage de l’album. Je lui propose des crayonnés et ce n’est qu’après sa validation que je passe à l’huile. C’est un travail d’artisan: je prends mon temps, je joue avec les effets de matière, les superpositions.
Quels sont les retours des enfants sur vos albums? Les rencontrez-vous lors de séances de signatures ou des interventions scolaires?
E.O.: Ce métier est un travail de solitaire. C’est d’autant plus difficile d’aller au-devant des autres quand on est une sauvage comme moi ! Pourtant, il est indispensable de se détacher de sa bulle de temps en temps pour aller à la rencontre de ses lecteurs. J’étais terrorisée au départ et puis je m’y suis faite. Lors de ces rencontres, les enfants sont extrêmement bienveillants. C’est très gratifiant.
© Propos recueillis par Claudine Colozzi, août 2015