Fabien Arca est au festival Tram’auteur.rice

Jusqu’au 10 juin, le festival tourangeau Tram’auteur.trice célèbre les liens entre la jeunesse, le théâtre et les écritures. Pleinement associée à l’évènement, la librairie Libr’enfant recevra ce samedi 3 juin Fabien Arca auquel elle avait donné la parole dans le dossier Osez le théâtre jeunesse (Citrouille n°94, avril 2023). Retrouvez ici les mots de l’auteur, évoquant son chemin vers l’écriture théâtrale et sa relation à cette littérature vivifiante.

Fabien Arca © Alexandra Jussiau

FABIEN ARCA
« Peut-être que si j’écris du théâtre jeunesse, c’est pour ne jamais perdre espoir. »

Auteur dramaturge pour les adultes et la jeunesse, ainsi que metteur en scène, Fabien Arca crée la compagnie Théâtre des Bâtisses au début des années 2000, qui deviendra en 2014 la compagnie Art-K. Chez Espaces 34, il a publié Moustique, Jardin Secret, Ma langue dans ta poche

Fabien, pourquoi écris-tu du théâtre ?

C’est le théâtre qui m’a amené à l’écriture. Enfant, je n’imaginais pas devenir écrivain. C’était impensable pour deux raisons : je n’étais pas doué en français et je n’aimais pas lire (à part des bandes dessinées). En quatrième, une enseignante de français a proposé à ceux qui le souhaitaient de faire du théâtre une fois par semaine, sur la pause méridienne. Ce jour-là, si j’ai levé le doigt, c’était plus parce que cette proposition me permettait d’éviter d’aller en récré. Finalement, j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer les scènes de la Cantatrice Chauve ! Le club théâtre est devenu un espace de créativité qui me permettait de retrouver confiance en moi. L’année suivante, j’ai poursuivi cette activité et nous avons joué notre spectacle dans un « vrai » théâtre. Une fois au lycée, je me suis inscrit au conservatoire. Après mon bac, j’ai décidé de devenir comédien. Et c’est dans le cadre de ma formation d’acteur que j’ai commencé à écrire ; répondant à un désir intime et profond, j’ai écrit et mis en scène un premier spectacle avec deux camarades de ma promotion. Cette aventure a été fondatrice.

Si j’écris du théâtre, c’est surtout parce que j’aime faire parler des personnages. J’aime m’exprimer à travers eux. J’aime me cacher derrière eux. Et puis, j’aime aussi l’idée que cette parole soit proférée devant une assemblée de spectateurs, qu’elle rencontre la lumière. C’est toujours très émouvant d’assister à une représentation et de découvrir comment les spectateurs réagissent à ce que j’ai écrit. De plus, le théâtre est à la jonction de différentes formes : récit, dialogue, poème, chanson… Avec l’écriture théâtrale, on peut croiser les genres. Mon dernier texte Spaghetti Rouge à Lèvres (Ed. Espaces 34) en est un très bon exemple. C’est un long récit – ou monologue – dans lequel le poème et le calligramme ont aussi une place prépondérante. Enfin, j’aime écrire du théâtre, parce que c’est un art qui permet aux gens d’être ensemble, réunis dans un même lieu pour partager une expérience commune.

Pourquoi t’adresses-tu à la jeunesse ?

À vrai dire, je m’adresse à tous les publics, car selon moi, le théâtre jeunesse concerne aussi bien les enfants que les adultes, il n’est pas excluant, il est incluant. Dans tous mes textes, je fais en sorte qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture. Ceci étant, prendre en compte la jeunesse induit une grande responsabilité. Je crois sincèrement qu’on peut parler de tous les sujets aux enfants (et même des plus graves), mais qu’il faut le faire avec optimisme. Alors, peut-être que si j’écris du théâtre jeunesse, c’est pour ne jamais perdre espoir…

Que t’apporte le travail avec les metteurs en scène et les comédiens ?

Quand j’ai commencé à écrire, je ressentais la nécessité de confronter mon travail au plateau ; le texte s’écrivait à mesure des répétitions, dans un va-et-vient avec l’équipe artistique (comédiens, éclairagiste, créateur sonore…). Mais avec les années (et l’expérience), j’ai appris à m’éloigner du plateau. Aujourd’hui, j’écris seul. Parfois dans le cadre d’une résidence d’écriture, mais le plus souvent je travaille à la maison des auteurs (un espace de coworking).

L’écriture se fabrique loin du plateau, elle doit pouvoir être autonome, elle doit pouvoir exister sans passer par l’incarnation et la mise en scène. Je suis convaincu que le texte de théâtre peut se lire au même titre qu’on lit un roman, un récit ou de la poésie. Toutes les rencontres que je fais en milieu scolaire me le confirment, les élèves prennent un immense plaisir à lire mes textes de théâtre (et certains sont même réconciliés avec l’acte de lire).

Mais pour en revenir à la question que tu m’as posée, même si j’écris « seul », il m’arrive encore de solliciter des acteurs ou actrices afin de prendre un peu de recul et comprendre ce qui ne fonctionne pas. Ma compagne est souvent ma première lectrice. Ses retours sont précieux. De même, j’ai noué des liens avec des metteurs en scène à qui j’adresse mes textes pour avis. Cela a été le cas avec Spaghetti Rouge à Lèvres. Grâce à l’échange que j’ai eu avec la metteuse en scène de la compagnie des 4 coins (Metz), j’ai pu imaginer la forme que pourrait prendre ce texte.

Quels textes de théâtre résonnent particulièrement pour toi ?

Les aveugles de Maurice Maeterlinck, En attendant Godot de Samuel Beckett, La nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès, ou encore Woyzeck de Georg Büchner… Parce que dans tous ces textes, les personnages sont confrontés à un silence, un mystère, quelque chose de métaphysique.

— Propos recueillis par la librairie Libr’enfant et l’Iceberg (Bureau d’accompagnement de projets artistiques), pour Citrouille n°94, avril 2023