À l’heure de la deuxième édition automnale de l’opération La Voix des indés / Exploration collective de l’édition indépendante, Citrouille a eu envie de se pencher sur neuf des éditeurs jeunesse dits «indé- pendants», pour mieux vous les donner à connaître.
Pourquoi neuf? La réponse est mathématique: à cause du nombre de pages de notre revue! Aussi avons-nous dû nous limiter à neuf maisons, mêlant les anciennes aux nouvelles, les plus petites aux plus grandes, faisant côtoyer un éditeur qui n’est-plus-indépendant-tout-en-l’étant- encore avec un autre qui a d’abord travaillé pour les plus grands groupes avant de voler de ses propres ailes. Que les «indés» qui ne sont pas évoqués dans ce dossier ne s’en offusquent pas! Ils sont présents dans nos librairies, ils l’ont été dans les précédents numéros de Citrouille et le seront dans les prochains!
Mais au fait, c’est quoi, un «indé»? «Un éditeur indépendant, nous dit Bertil Hessel (p. 36), c’est comme un libraire indépendant, ça prend des risques sur des trucs pas évidents, ça choisit de publier ce qui l’intéresse, lui personnellement, ce qu’il a envie de défendre, ce qui correspond à ses idées et au désir puissant de les partager.» Et Gaëlle Partouche, la libraire de Grenoble qui l’interviewe, d’ajouter à ce propos: «c’est vraiment vrai, ça: nous sommes souvent de grands idéalistes très sûrs de nous-mêmes et de nos choix, qui voulons faire plaisir au plus grand nombre en restant libres, libres, libres!»
Oui, c’est peut-être bien ce que nous aimons particulièrement, chez les éditeurs indépendants: l’histoire personnelle qui les fait naître, une histoire pleine de rêves longuement mûris, d’envies créatrices et de partages… L’histoire un peu folle d’un individu prêt à soulever des montagnes d’obstacles, à faire fi des oiseaux de mauvais augure un peu trop sages… L’histoire personnelle d’un adulte qui consacre son énergie, son temps et son argent à donner aux enfants, par le livre, l’accès à la pensée, à l’esprit critique et au beau qui permettent de grandir et de vivre libres. C’est ainsi que sont nées nos librairies Sorcières, c’est ainsi que naissent les éditeurs indépendants.
sommaire du n°66 |
Vouloir naître, et être reconnu, dans un milieu aujourd’hui fortement concurrentiel impose (au choix ou tout ensemble!) d’innover, de défricher, d’être découvreur de nouveaux talents, de permettre de nouvelles expérimentations aux créateurs déjà confirmés, de redonner la voix à ceux que le vent contraire des modes rend parfois injustement inaudibles… C’est ce que nous aimons aussi chez ces éditeurs-là, parce que nous la partageons avec eux: une (dé)mesure que seule l’envie étalonne. Et difficile, dans les grands groupes d’édition, quand l’envie est par trop soumise aux critères internes parfois contradictoires, aux objectifs sans appel des actionnaires, d’avoir les coudées franches, d’être un franc-tireur, un aventurier effronté…
Est-ce à dire qu’on ne crée pas dans les grands groupes? Certes non. Les empreintes personnelles des éditrices et des éditeurs, des directrices et des directeurs de collection qui y œuvrent sont bien marquées elles aussi, on les connaît (et les reconnaît quand elles ou ils passent d’un groupe à l’autre), mais c’est une autre forme de création, s’opérant à l’intérieur d’un système éditorial beaucoup plus contraignant, avec d’autres moyens (ceux-là mêmes des actionnaires), qui permettent d’autres innovations, à d’autres échelles, qui permettent aussi, souvent, d’emmener plus loin les talents nés sur les fonds baptismaux des indépendants….
À chacun son rôle, finalement. Celui des uns complète celui des autres.
Et c’est heureux puisque c’est pour servir au mieux le livre jeunesse, ses créateurs et ses lecteurs.
La rédaction