Gentleman Barroux : «Il reste tant de livres à écrire, tant d’images à créer…»

  • Publication publiée :24 septembre 2017
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L’illustrateur Barroux est également auteur et éditeur (Kilowatt éditions jeunesse, avec Galia Tapiero). Il voyage d’une fonction à l’autre aussi facilement, avec autant de plaisir qu’il a voyagé depuis son enfance et voyage encore, d’un pays à l’autre, d’une rive ou d’un livre à l’autre. Sandie Da Ré (librairie Dans ma Librairie à Agen) l’a rencontré.


SANDIE DA RÉ: Afin de vous présenter à ceux qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous nous dresser un tableau de votre parcours?
J’ai passé une grande partie de mon enfance à Casablanca, au Maroc. De retour en France, je suis entré à l’école Estienne, en Communication visuelle. J’ai ensuite d’abord travaillé dans la publicité et un jour, un peu par hasard, on me propose d’illustrer un texte pour enfants à paraître chez un petit éditeur. Mon premier livre pour enfant… suivi très vite d’un second. Là, tout me parait évident: je décide d’en faire mon métier. Je pars alors m’installer au Canada, puis aux États-Unis où je commence ma carrière d’illustrateur. Retour en France en 2002…


Enfant, quelles étaient vos lectures favorites?
J’ai beaucoup voyagé avec mes parents et les livres nous ont toujours accompagnés. Jules Verne, beaucoup, et plus tard Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur de Maurice Leblanc…


Quels auteurs, illustrateurs, artistes vous inspirent aujourd’hui?
Sempé, bien sûr, à qui j’ai dédié Le Paris de Léon paru aux éditions Actes Sud. Mais aussi Folon, avec la poésie de ses personnages à chapeaux, errant au milieu de décors lunaires. Mais aussi toutes les photos de Raymond Depardon sur l’Afrique, et les peintures colorées et les photomontages de David Hockney.


Comment avez-vous été amené à créer les éditions Kilowatt?
Kilowatt est né il y a huit ans, d’une rencontre… d’une amitié. C’est en discutant avec Galia Tapiero que tout a commencé. On avait la même envie, la même vision. Créer une maison d’édition qui nous permettrait de découvrir, d’accompagner des jeunes auteurs, des jeunes illustrateurs, de pouvoir aborder des thèmes peu ou pas traités, l’envie de faire des albums documentaires innovants: une sorte de jonction entre Galia anthropologue et moi illustrateur. On s’est lancés… Depuis on a fait du chemin, plusieurs collections ont vu le jour et nous publions maintenant une douzaine de titres par an.


Est-ce important pour vous d’avoir ce statut d’éditeur?
Oui, bien sûr. L’idée d’accompagner, de porter et, plus tard, de défendre le texte d’un auteur ou d’un illustrateur, c’est très important pour nous. De mettre en relation des mots et des images dans une juste complémentarité. On prend des risques et, au final, avec le temps, livre après livre, l’image de Kilowatt se façonne, avec des albums comme Un air de violoncelle, sur la chute du mur de Berlin, un livre rempli de couleurs, avec les vrais choix graphiques, vraiment réussis, de la jeune illustratrice Aurore Pinho e Silva. Ou, autre exemple, avec les illustrations de Karine Maincent, pour Vélos, des illustrations toujours justes, toujours surprenantes, servies par un grand sens de la composition.


La première chose qui vous attire sur un projet est-ce le sujet, les personnes impliquées…?
C’est un ensemble de choses très variables. Parfois ça peut être un sujet qui nous tient à cœur et que l’on veut défendre. Nous cherchons des textes qui ont du fond, il y a une volonté didactique, une envie de susciter le questionnement. Une image, le style d’un illustrateur peut également nous porter. Galia travaille beaucoup avec les auteurs sur les textes, moi j’apporte un autre regard sur les images. On discute beaucoup et les idées fusent sans censure. Toutes ne deviendront pas des livres mais c’est toujours très stimulant…


Les derniers albums que vous avez personnellement signés (Le grand incendie, Histoire de voyager, Bienvenus, Où est l’étoile de mer) semblent inspirés par l’actualité sociale. Est-ce important pour vous de sensibiliser les enfants à nos problématiques contemporaines?
La liste est effectivement longue… On peut ajouter Ahmed sans abri, aux éditions Mango, sorti en 2007. Ou Une guerre pour moi, aux éditions Les 400 coups, sur un très beau texte de Thomas Scotto. Ou encore Mon pull panda, sur un texte de Gilles Baum et qui sortira chez Kilowatt en 2017. J’aime bien aborder avec humour, tendresse, poésie des thèmes contemporains. Plutôt urbains et modernes. Je n’ai jamais su dessiner les licornes…


Avec votre triple casquette « éditeur/auteur /illustrateur», quel regard portez-vous sur la littérature jeunesse? Et y a-t-il une de ces casquette qui a votre préférence?
Il y a, en littérature jeunesse, beaucoup de créativité, beaucoup d’effervescence… Je suis toujours émerveillé par ce bouillonnement incessant. Il reste tant de livres à écrire, tant d’images à créer… Beaucoup de thèmes, de sujets ont déjà été abordés, mais tout est une question d’angle, de points de vue. Ceux de l’auteur, de l’illustrateur, de l’éditeur… Le livre … c’est la clé. Tout tourne autour. Recevoir un livre, tout frais, tout neuf, dont je suis l’auteur, l’illustrateur ou l’éditeur, c’est toujours pour moi un grand plaisir. On a beau avoir travaillé dessus pendant des mois, on est toujours surpris, étonné de le tenir dans les mains. Son odeur, le petit craquement du papier quand on l’ouvre pour la première fois… Je ne m’en lasse pas! Que ce soit les miens ou ceux des autres…


Avez-vous encore le temps de vous consacrer à d’autres passions?
Les voyages bien sûr… Et les gens. Les uns ou les autres, je les dessine en couleur, en noir et blanc, aux pinceau, feutres, pastels… Je coupe, je colle. Je teste des trucs, des machins, des bidules dans des carnets remplis à ras bord et qui s’empilent sur une étagère dans mon atelier!


Quels sont vos prochains projets?
Je viens juste de terminer un roman graphique, tout en noir et blanc, sur un très beau texte de Bernard Chambaz. Une traversée des États-Unis à moto de New York à San Francisco. J’ai les illustrations d’un livre pour enfants à finir pour un petit éditeur canadien. Et je dois dessiner les esquisses d’un projet de livre pour un éditeur anglais avec qui j’avais déjà travaillé… Pour Kilowatt, on travaille sur la sortie de plusieurs albums… Superfish, sur un texte d’ Orianne Lallemand illustré par Maureèn Poignonec. Et donc aussi Mon Pull panda sur un texte de Gilles Baum… et un roman graphique pour les plus jeunes illustré par Lisa Blumen sur un texte de Véronique Cauchy!

Propos recueillis par Sandie Da Ré, Librairie Sorcière Dans ma Librairie à Agen