Géraldine Elschner : «Mon histoire avec Pont des arts.»

  • Publication publiée :27 août 2017
  • Post category:Archives
Fred Sochar & Géraldine Elschner 
Géraldine Elschner, l’auteure de Les deux colombes, fonctionne par déclics personnels, mais sait aussi, pour les ouvrages collectifs de la collection Le Pont des arts, s’adapter aux propres lectures que l’illustrateur et l’éditeur ont de l’oeuvre dont il est question.


FAUSTINE HASPEL LAURENT: Vous avez écrit plus d’une dizaine de titre pour la collection Pont des Arts. Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler avec eux?
GÉRALDINE ELSCHNER: Le hasard d’une rencontre… Je venais de terminer le texte des Bourgeois de Calais, émue par l’œuvre de Rodin et marquée par la chronique de Froissard qui raconte comment la reine d’Angleterre «durement enceinte», comme il le dit si bien, parvient à persuader le roi de libérer les prisonniers. L’enfant à naître qui sauve les six Bourgeois… Ce point du récit m’avait inspirée. Mais que faire d’un texte pareil, qui mêlait l’histoire et l’histoire de l’art? C’est l’illustratrice Aurélie Blanz, rencontrée à Bologne, qui m’a dit «C’est une histoire pour Pont des Arts!» Je ne connaissais pas cette collection, encore toute jeune. Dès qu’elle a reçu le texte, Amélie Léveillé m’a appelée: je venais de faire mon premier Pont des Arts sans le savoir. Ça continue depuis – un vrai virus!


Avez-vous une formation en art?
Je suis une traductrice devenue auteur – je vis depuis toujours à cheval entre plusieurs pays, plusieurs cultures. J’ai fait des études de lettres et non d’histoire de l’art, mais j’ai depuis toujours une fascination pour ce domaine. Quand j’étais petite, je m’étais constitué un classeur dans lequel je collectionnais toutes les reproductions de tableaux soigneusement découpées dans les journaux, les magazines, les programmes, etc. Je les collais, chacune sur une feuille en notant le nom de l’artiste, ses dates, son pays. Puis je les classais par ordre chronologique. Ma petite encyclopédie maison! J’aimais la feuilleter, regarder en détails les tableaux, et ne montrais mes trésors qu’à un cousin qui était le seul à partager ma passion pour ce sujet.  


Pourquoi avoir choisi cette colombe-ci dans l’œuvre de Picasso plutôt qu’une autre?
Il me faut toujours une étincelle, un déclic au départ. C’est donc en général moi qui transmets mes coups de cœur à l’éditeur (parfois portés en moi depuis longtemps). Mais il arrive aussi que l’Élan vert me propose un sujet qui les intéresserait. Ce n’est pas une commande pour autant: l’étincelle reste décisive, avant ou après. Ce fut le cas pour la colombe de la paix. Le choix de cette colombe précise a été décidé lors du rendez-vous de l’éditeur avec Picasso Administration, car c’est la plus connue, la plus représentée aussi. J’avais travaillé au départ avec la colombe bleue entourée de fleurs, mais le trait noir correspond beaucoup mieux à l’encre de Chine qu’affectionne tant Zaü. J’aurais aimé qu’on voit l’ensemble des colombes de Picasso sur les dessins à la fin, toutes suspendues à la corde à linge, mais c’était difficile… On ne pouvait ni les copier, ni insérer les originaux.


À chaque nouveau livre, un nouvel illustrateur… Comment travaillez-vous avec eux?
Il n’y a pas de règle générale, c’est différent pour chacun. Il y en a que je connais bien personnellement, d’autres pas. Mais je suis toujours l’évolution des livres et peux donc transmettre mes remarques – sans rien imposer pour autant. Chaque illustrateur a sa méthode. Certains analysent très précisément le texte, d’autres plongent à fond dans leur création. Des choses se perdent, d’autres apparaissent. Pour les colombes, j’imaginais plus d’allusions à Noé par exemple (arche sur les pages de garde, arc-en-ciel), mais Zaü ne tenait pas à garder ces références. Une nouvelle interprétation s’ajoute donc, une redécouverte de l’histoire. Deux univers se superposent, deux imaginaires, ce qui enrichit le livre. Mais une base de dialogue est indispensable pour éviter les frustrations  – il n’est pas facile de lâcher prise!


Pourquoi avoir fait apparaître le peintre dans Les deux colombes alors que c’est rarement le cas dans vos autres titres de la collection?
C’est Zaü qui a choisi de dessiner Picasso. Je n’aurais pas osé le placer ainsi ouvertement dans l’histoire. Le premier texte parlait simplement d’un homme qui peignait dans un grand jardin, entouré d’enfants qui le nommaient «Grand’Pa». Zaü a franchi le pas! Et c’est l’administration Picasso elle-même (qui a suivi le projet depuis le début, validant d’abord le texte puis chaque illustration) qui a proposé de l’appeler Pablo puisqu’il était aussi reconnaissable. En revanche ils ont refusé le prénom de Paloma que j’avais choisi pour la petite fille, trop proche du coup de la biographie de Picasso. Elle a donc été rebaptisée Olivia, sous le symbole de paix qu’est l’olivier. C’est le prénom de ma fille, elle en est ravie…

Propos recueillis par Faustine Haspel Laurent, Librairie Sorcière Le Liseron à Mulhouse