Peut-être qu’à un moment donné il a été normal, Guéraud, non ?
C’est une journée comme les autres dans un collège comme un autre. A Marseille, mais ça pourrait être ailleurs. Sauf qu’il fait un froid de canard et que ce soir ce sera les vacances d’hiver. Une dernière journée de cours c’est un peu déjà une journée de glande, alors on l’a prend très cool, encore plus cool que d’habitude.
Au début il ne se passe rien de vraiment significatif: un petit sixième qui commence à saigner du nez, rien de grave. Un mec qui se gratte compulsivement un bouton rouge apparu sur son poignet, pas de quoi fouetter un chat. Et puis cette fille, Yasmine qui perd une mèche de cheveux; elle s’en rend même pas compte, alors…
Après ça on peut dire que ça se complique. Assez vite même. « Yasmine livide. Dont le blanc des yeux vira au jaune. Dont la peau du crâne se fendilla au sommet du front. Corentin couvert de sang. Même si ce n’était plus du sang qui lui sortait du nez. Mais de la bouillie. Des matières spongieuses de plus en plus sombres. Et des débris d’os ».
Ce n’est que le début pourtant, et le proviseur va devoir faire face à une situation apocalyptique dont aucun détail sanglant ne sera épargné au lecteur. Et quand je dis aucun détail, vous pouvez me faire confiance. Surtout faire confiance à Guillaume Guéraud qui excelle dans les descriptions glauques et gores à souhait.
Au-delà de ça on est happé par son verbe cru, son écriture nerveuse, ses phrases syncopées, le rythme lancinant qu’il imprime à son intrigue, empêchant le lecteur de vraiment s’attacher à un quelconque protagoniste. La vie est si courte, n’est-ce pas ? Surtout quand elle est le jouet d’un virus mortel, inconnu et dévastateur.
L’afflux de morts plonge rapidement le bahut dans un chaos indescriptible et les gesticulation du proviseur pour enrayer le mal paraissent bien dérisoires, d’autant que personne à l’extérieur ne semble vraiment prendre la mesure du désastre. En témoignent la retranscription des flashs radio ainsi que les échanges de mails entre le collège et les autorités dites compétentes, Samu, rectorat d’Académie, Inspecteur… Autant pisser dans un violon quand le collège pendant ce temps prend des allures de charnier. Pour ceux qui n’ont pas été encore contaminés, c’est à huis-clos que se joue cette course contre la montre. On dirait pourtant bien qu’ils sont faits comme des rats.
Ça vomit à tour de bras, ça saigne à gros bouillons, ça s’éventre et ça s’éviscère à chaque coin de page et les enfants meurent comme des mouches dans d’atroces souffrances… Mais pourquoi est-il aussi méchant ??
Cette surenchère d’hémoglobine paraît presque parodique et on se surprend à sourire, c’est tellement « too much ». Mais quand même pas longtemps, parce que l’impensable est en marche. « Tous égaux devant la mort. Les vaillants ne pesaient pas plus lourds que les autres. La mort se foutait aussi bien de leur poids que de leur taille. La mort se foutait même de savoir qu’elle était beaucoup trop prématurée pour eux. La mort les englobait tous sans distinction. A croire que tout être vivant en valait finalement un autre ».
Un roman atroce, haletant et addictif. A raconter dès 4 ans, le soir avant d’aller se coucher.
Non je déconne. C’est pour les ados, surtout ceux « qui n’aiment pas lire ». Vous allez voir, là, si y vont pas aimer lire.