Ingela P. Arrhenius : une illustratrice suédoise et francophile

  • Publication publiée :17 mai 2016
  • Post category:Archives

Marcel et Joachim est une toute jeune maison d’édition jeunesse créée en 2013 par Charlotte Duverne et Louis-Benoît Des Robert, qui publie en cette fin d’année un deuxième titre de l’illustratrice et graphiste suédoise Ingela P. Arrhenius, Animaux. Nous avons rencontré Charlotte et Ingela.
VANESSA ISCARIOT: Charlotte, vous vous êtes lancée dans l’aventure éditoriale il y a deux ans, comment tout cela a-t-il commencé?
CHARLOTTE: Je l’ai fait parce que je ne pouvais rien faire d’autre! J’ai commencé ma vie professionnelle chez Gallimard Jeunesse et une fois qu’on goûte à ce milieu, difficile d’envisager faire autre chose. Concrètement, je n’ai pas trop réfléchi, j’avais une ou deux idées, notamment celle de l’imagier avec Petit Pan et Delphine Chedru. Alors quand mon associé m’a dit qu’il était partant lui aussi, on l’a fait. Je n’avais aucune ligne éditoriale en tête, sauf l’envie de faire des livres qui me plairaient à moi et qui, avec un peu de chance, plairaient à d’autres. Mais c’est vrai qu’étant donné la richesse du paysage éditorial français, si je vais trop en librairie ou dans les salons, j’ai envie de tout arrêter. Donc j’y vais avec parcimonie…
Animaux est le deuxième album d’Ingela P. Arrhenius publié chez Marcel et Joachim, comment ces projets ont-ils vu le jour?
CHARLOTTE DUVERNE: Je suis à l’origine du concept de ces deux livres. Pour Designimaux [paru en 2014, ndlr], c’est Emma Giuliani et Ariane Grenet de l’atelier Saje qui ont affiné l’ingénierie papier. J’ai choisi Ingela parce qu’elle me semblait avoir ce goût pour le design et que son univers collait de façon évidente avec le projet. Entre le Egg Chair de Jacobsen et la Tulip Chair de Saarineen, l’Europe du Nord y était largement représentée, ça me semblait légitime de choisir une illustratrice suédoise. J’ai tout de suite aimé le travail d’Ingela, qui a l’air simple mais qui est graphiquement très fort. Je choisis mes projets avant tout en fonction des rencontres, je ne veux publier que le travail de gens pour qui j’ai un coup de foudre et dont je me dis que ce qu’ils donnent à voir par leur travail constitue la meilleure des boîtes à outils pour grandir.

Ingela, quelle vision avez-vous de la production de livres jeunesse en France par rapport à ce qui se fait en Suède?
INGELA P. ARRHENIUS: J’ai été très heureuse que Charlotte me contacte pour Designimaux. Ce projet mêle nos goûts communs pour l’illustration, le design ainsi que pour les histoires et c’est aussi mon premier projet publié en France. Je suis francophile et j’aime depuis toujours la production française, y être publiée aujourd’hui me remplit de fierté. La plus grande différence entre la littérature jeunesse en Suède et en France tient, à mon sens, à la valeur artistique des livres français. Le marché y est plus important et je pense que les auteurs et illustrateurs s’y sentent plus libres dans leur travail. De très nombreux livres sont avant-gardistes et ambitieux et certains s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux étudiants en art.
Dans votre travail, l’influence des illustrateurs des années 50 et 60 est palpable et vous chinez beaucoup. Quels sont vos artistes de référence?
INGELA P. ARRHENIUS: J’ai toujours beaucoup aimé cette période et, lorsque je regarde mes travaux du début des années 90, ils ressemblent déjà à ce que je fais aujourd’hui. J’aime le travail d’Alain Grée, de l’américaine Mary Blair et surtout celui de Olle Eksell, illustratrice suédoise de Den store quillow paru en Suède en 1949, mon trésor.
Animaux rappelle beaucoup votre travail de graphiste et notamment, vos affiches. Y travaillez-vous de manière différente?
INGELA P. ARRHENIUS: J’aime créer des images et que celles-ci deviennent des livres ou des posters me réjouit tout autant. Pour Animaux, nous voulions avec Charlotte que chaque page ait une identité forte, comme pour une affiche, ce qui explique la part importante accordée à la typographie. Cependant, lorsque j’illustre un album, ce que je garde à l’esprit c’est qu’il est destiné à un enfant. Je veux qu’il lui plaise autant à lui qu’à l’adulte qui l’aura choisi et acheté.

Propos recueillis par Vanessa Iscariot, librairie Nemo à Montpellier

Animaux
Auteure illustratrice: Ingela P. Arrhenius
Éditions Marcel et Joachim – 22€
Tout-petits

Voici un bestiaire, une galerie de trente-deux grandes planches illustrées où les animaux se succèdent, du lion au suricate en passant par le flamant rose. Mais Animaux est bien plus que cela. Son format géant d’abord, fait de lui un livre exceptionnel. De ceux qui, ne pouvant être rangés à l’abri dans la bibliothèque, restent  toujours bien en évidence et à portée de la main de l’enfant. Le choix du papier, mat et épais, vient renforcer le plaisir de feuilleter ce livre géant et invite à venir se perdre entre ses pages. Et puis, comment résister au charme vintage du travail d’Ingela P. Arrhenius, illustratrice et graphiste suédoise? Les formes douces, tout en  rondeurs, les couleurs surannées et les typographies remarquables rappellent le travail de certains  affichistes et les sérigraphies des années 50. Tout cela fait de ce bestiaire un livre que l’on a envie d’ouvrir et d’exposer à la vue de tous. Un bonbon pour les yeux, en somme, qui devrait faire le bonheur des grands autant que des petits en cette fin d’année. Un titre remarquable publié par la toute jeune maison d’édition Marcel et Joachim. Librairie Nemo à Montpellier