Janmin an péké obliyéou ! (l’album Tanbou réédité avec le soutien de l’ALSJ)



L’A.L.S.J. voulait revoir Tanbou dans les rayons des Librairies Sorcières. Mais comment rééditer cet album-CD abordant la question de l’esclavage par le biais du tambour Gwo Ka? Porté par Patricia Matsakis (librairie Le Bateau Livre de Montauban), le projet a mis quelques mois à pouvoir se réaliser, grâce à un partenariat avec les éditions Syros et à l’enthousiasme déterminée de Sandrine Mini, leur directrice.

Pour une littérature émancipatrice – par Sandrini Mini, éditrice

Lorsque sa présidente, Laurence Tutello, m’a fait part du désir de l’association de rééditer Tanbou (publié au Seuil en 2000), mais qu’elle avait pris conscience qu’un tel projet ne pourrait voir le jour qu’en partenariat avec un éditeur, j’ai été heureuse à l’idée d’aider et de conseiller, sans savoir si Syros serait le bon partenaire. Puis, en voisins (sa librairie Le Chat Pitre n’est pas très loin des locaux de Syros), nous nous sommes rencontrés pour en discuter.

Avant d’avoir le livre en main, j’ai lu les articles dithyrambiques parus à l’époque (Thierry Lenain, dans Citrouille, regrettant d’avoir démissionné de l’éducation nationale tant il aurait aimé tirer tous les fils de Tanbou une année entière avec sa classe; Ricochet estimant que Tanbou était la plus belle réussite de l’année…) Quel était donc cet album auquel tenaient tant les Sorcières, et qui avait reçu le Prix Octogone 2001 du livre jeunesse et le Prix de la Francophonie de l’Éducation Nationale?

Patricia Matsakis m’a prêté son exemplaire, j’ai écouté et lu en même temps… Marie, une petite fille qui n’arrive pas à chanter «À la claire fontaine» à l’école, rencontre Donga, un musicien, qui lui offre un tambour et lui raconte l’histoire de ses ancêtres esclaves. La musique du Gwo-Ka, aux rythmes africains, revisite la célèbre chanson avec beaucoup de fraîcheur, d’enthousiasme, de gaieté. L’évocation de l’esclavage n’est ni appuyé ni didactique. Et les images libres et éclectiques de Piotr Barsony en font un magnifique livre d’artiste à la portée de tous.

Depuis plus de trente ans, Syros publie des livres qui font sens, une littérature «émancipatrice», mais sans céder à la pente du livre à message ou seulement militant. C’est bien la qualité artistique, l’authenticité de la démarche créative qui fait d’un album, ou d’un roman, un livre intemporel et universel. Tanbou entre dans cette catégorie.

Je connais bien la Guadeloupe où j’ai de la famille, je suis moi-même musicienne, j’avais ressenti l’urgence de publier des livres luttant contre le racisme après les dernières élections présidentielles (nous avons édité en 2013 le documentaire intergénérationnel Les Mots indispensables pour parler du racisme)… Voilà aussi sans doute pourquoi nous nous sommes emparés du projet. Il faisait écho à un désir d’éditeur, il avait toute sa place dans notre catalogue, il nous donnait le privilège d’avoir un lien nouveau avec des librairies que nous admirons de longue date.

Sandrine Mini, éditrice chez Syros Jeunesse

L’album est publié à l’identique, avec cependant une nouvelle couverture, une nouvelle typographie, l’ajout du texte de la chanson finale (À la claire fontaine, avec quelques passages en créole) et surtout l’ajout d’un très beau texte de Patricia Matsakis faisant parler Edmony Krater sur le tambour, le Gwo Ka et l’histoire de l’esclavage.

Piotr Barsony est un artiste français représenté par la Saatchi Gallery. Diplômé en architecture de l’École des Beaux-arts de Paris, il se lance d’abord dans la bande dessinée puis dans une carrière prolifique de peintre, architecte, urbaniste, illustrateur, romancier et auteur de livres pour enfants: Tanbou (Seuil, 2000, Syros, 2014), La Chanson volée (Seuil, 2001), Papa porte une robe (Seuil, 2004, musique de Bumcello), Histoires de Joconde (JBZ Éd., 2010)…

Edmony Krater est titulaire du DE (Diplôme d’État) en percussions traditionnelles et consacre son enseignement et ses compositions aux rythmes du Gwo Ka tout en développant une musique contemporaine et universelle. Il est professeur au Conservatoire de Montauban.

Le Gwo Ka vient d’être répertorié dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France pour une inscription à la liste de l’UNESCO fin 2014. Emblématique de la culture guadeloupéenne, il combine le chant responsorial en créole guadeloupéen, les rythmes joués aux tambours et la danse.