«Je cherche de l’humanité partout, sans doute parce que je n’en trouve jamais assez chez les hommes et les femmes.» Une interview d’Audren par la librairie L’Oiseau Lire à Évreux

  • Publication publiée :25 mars 2018
  • Post category:Archives

Audren est une écrivaine que les lecteurs connaissent et apprécient. Ses romans parus à l’école des loisirs ont souvent été sélectionnés pour le prix des Dévoreurs de livres. Les orphelines d’Abbey road et Mauvais élève, parus à l’école des loisirs, en ont été lauréats, et cette année c’est Wondercat, paru chez Albin Michel Jeunesse, qui est dans la sélection. Mais c’est aujourd’hui chez MeMo, dans la toute nouvelle collection Polynie, que nous retrouvons l’auteure de La petite épopée des pionsPar Annie Falzini, Librairie Sorcière L’Oiseau Lire à Évreux


ANNIE FALZINI: Ce roman assez court, La petite épopée des pions, est une belle parabole sur la liberté, le libre arbitre. Les personnages sont des pions, des Sasha, tous identiques ou presque, et c’est ainsi, plus fort, plus universel. Comment t’est venue cette idée?
AUDREN: Quand j’étais enfant, j’ai beaucoup joué avec un coffret en bois rempli de pions. Je les sortais de leur boîte, je les promenais dans les pièces, je leur faisais sentir des fleurs, regarder le soleil, écouter de la musique. J’éprouvais toujours de la peine à les ranger en les renfermant dans le noir. J’aurais aimé qu’ils puissent se promener seuls pendant mon absence et profiter de la vie. Un matin, je me suis réveillée avec l’envie de retrouver ces pions de mon enfance et de leur offrir avec mes mots, une amorce de liberté. Ils pourraient en faire ce qu’ils voudraient. J’étais simplement là pour leur permettre de comprendre qu’il était possible de vivre autrement. J’aurais aimé que ma plume trempée dans leur monde leur indique les chemins de l’émancipation, les dangers de l’uniformisation, la nécessité des choix individuels. J’espère que l’exemple de Sashalluciné leur a finalement permis de réfléchir à leur condition de pion et que ceux qui occupent encore la boîte aujourd’hui, l’occupent uniquement par choix. J’ai toujours personnifié les objets, les végétaux. Je cherche de l’humanité partout, sans doute parce que je n’en trouve jamais assez chez les hommes et les femmes.


ANNIE FALZINI: Les illustrations de Cédric Philippe sont très belles et très importantes, puisque à la fin du récit ce sont elles seules qui racontent l’escapade de Sasha. Comment avez-vous travaillé?
AUDREN: Chloé Mary, notre éditrice, m’a proposé Cédric comme illustrateur et je n’ai pas hésité une seconde. Je crois que Cédric et moi sommes tous les deux des fêlés perfectionnistes. J’utilise le mot «fêlés» parce que, comme mon héros Sashalluciné, nous avons l’un comme l’autre, il me semble, un  petit défaut dans le bois. Nous allons coûte que coûte au bout de nos envies, nous nous battons souvent trop fort pour ce que nous croyons juste (et qui l’est, forcément… ), nous sommes des poètes perfectionnistes et passionnés (décidément, les allitérations en p me poursuivent). Après les premiers croquis de Cédric, j’ai eu un peu peur que la mise en commun de nos exigences ne se transforme en cocktail Molotov, mais son travail me plaisait beaucoup alors j’ai essayé de ne pas trop lui parler (ce qui est, en général, très compliqué pour moi) et de le laisser seul avec mon texte. Comme la liberté, l’émancipation sont les thèmes principaux de mon histoire, il me semblait important que Cédric n’en fasse qu’à sa tête. Je voulais que nos rêves se mélangent.


ANNIE FALZINI: Auteure tu es, et pas seulement pour les enfants, mais tu es aussi chanteuse… Veux-tu bien nous parler de tes doubles casquettes?
AUDREN: Je me suis aussi lancée dans l’aventure cinématographique (scénarios et réalisation) et j’ai encore d’autres cordes de plaisir créatif à mon arc, comme la photo, mais, en général, je n’en parle pas trop parce qu’en France, la monocasquette est un gage de qualité artistique. C’est un peu triste. Je suis pour la diversification de nos couvre-chefs et la reconnaissance de l’artiste en tant que tel, peu importe la branche dans laquelle il s’engage pour exprimer sa créativité. J’ai vécu aux États-Unis où j’ai travaillé le chant et la danse. Là-bas les artistes sont souvent multicasquettes. C’est même à cela que l’on reconnait les «vrais» artistes (si tant est qu’il en existe des faux). Je crois que l’on peut trouver le temps de faire tout ce dont on a envie si l’on en a vraiment envie. Il existe des plages de création cachées entre la nuit et le jour, des heures élastiques, des «parties gratuites» qu’il faut oser utiliser.


Propos recueillis par Annie Falzini, Librairie Sorcière L’Oiseau Lire à Évreux

La petite épopée des pions