Jonathan Garnier : «Mêler les émotions pour rendre un récit surprenant et touchant…»

  • Publication publiée :13 décembre 2017
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Les photos devenues cultes de la petite Japonaise Mirai-chan, prises par l’artiste Kotori Kawashima et publiées dans un recueil au Japon en 2011, ont fait écho chez Jonathan Garnier à sa jeunesse à la campagne et lui ont donné envie d’écrire sur l’enfance. On les retrouve évoquées dans Momo, ce magnifique et touchant diptyque paru chez Casterman (dont le tome 1 est nominé dans la catégorie Carrément Passionnant Mini des Prix Sorcières 2018), racontant le vécu d’une fillette un peu rustre, élevée dans un contexte compliqué et qui va voir son monde chamboulé par des rencontres, des évènements heureux ou tristes. Par Simon Roguet, Librairie M’Lire.


SIMON ROGUET: Avec le style graphique de Rony Hotin et ces fameuses photos, on se croirait vraiment emmené au Japon par votre bande dessinée…  et pourtant l’histoire se déroule sur les côtes de la Manche! Cela donne une bande dessinée un peu universelle, intemporelle…
JONATHAN GARNIER: Le récit devait se passer au Japon… avant que je ne le rapatrie en France. J’avais donc pas mal de références japonaises lorsque j’ai commencé à écrire. Et même si l’histoire s’était passée en Écosse ou en Slovénie, j’aurais eu ces mêmes références, car les Japonais ont une façon d’aborder le quotidien, en mêlant habilement humour, gravité et moments contemplatifs, qui me plaît vraiment et cela doit se sentir dans mon récit. L’aspect intemporel est un choix volontaire. Nous voulions que n’importe quel lecteur puisse se projeter dans ses propres vacances d’enfance à la campagne et nous avons d’ailleurs eu pas mal de retours positifs dans ce sens, c’est chouette!

SIMON ROGUET: Vous nous faites passer du rire aux larmes en quelques pages seulement. Vous citez des références de films comme Little Miss Sunshine ou L’été de Kikujiro par exemple. Vous vouliez susciter ce genre d’émotions, ne pas vous cantonner à un seul style?
JONATHAN GARNIER: Se cantonner à un seul style, c’est souvent prendre le risque que le lecteur décèle rapidement les mécaniques d’écriture de l’auteur et du genre qu’il traite… Je trouve beaucoup plus intéressant et efficace de créer des «ascenseurs émotionnels» en enchaînant des instants drôles, puis tristes, des moments calmes avant une frénésie soudaine.
J’aime aussi lorsque des thématiques graves sont abordées de manière détournée et décalée. C’est le genre d’écriture que j’essaie d’avoir: mêler les émotions pour rendre un récit surprenant et touchant.

SIMON ROGUET: Que pensez-vous du fait que vos BD sont vraiment ouvertes à tous les publics et touchent autant les plus jeunes que les adultes?
JONATHAN GARNIER: Lorsque j’écris je ne cherche pas à viser un public en particulier et je ne me mets pas de barrières. J’ai des personnages dont j’ai envie de raconter l’histoire, des thématiques que je souhaite aborder et ma seule ligne directrice est que la narration et les dialogues doivent véhiculer mes intentions de la manière la plus pertinente et efficace possible. Aussi mes histoires sont souvent transgénérationnelles car nous ne vivons pas qu’entre enfants, ados ou adultes. C’est ce qui fait, je pense, que mes récits peuvent fédérer tous les publics.

SIMON ROGUET: La question que tout le monde attend: même si votre série a été présentée en tant que diptyque, rien n’empêche Momo de vivre de nouvelles aventures. Pensez-vous à poursuivre les aventures de Momo (dites oui, dites oui!!!)
JONATHAN GARNIER: Cette histoire se tient en deux tomes mais Momo et son univers m’inspirent énormément et il y a encore pas mal de sujets sur l’enfance qui n’ont pu être traités dans ce diptyque et que j’aimerais aborder. À vrai dire, même si rien ne garantit qu’il sorte un jour… j’ai déjà la trame et les thématiques d’un nouveau diptyque et une première scène rédigée! Mais faire une suite ne dépend pas que de moi, c’est un travail d’équipe. En soi, tout le monde est partant, mais il faut que les bonnes conditions soient réunies et que les calendriers de tous concordent pour que cela puisse se faire. Je croise les doigts!

Propos recueillis par Simon Roguet, Librairie Sorcière M’Lire à Laval


Momo, tome 1

éd. Casterman
Momo est une petite fille pleine de vie, turbulente, un peu solitaire et rêveuse mais au caractère bien tranché et au parler bien à elle qui la rend tout de suite sympathique. Elle vit la plupart du temps seule avec sa grand-mère; son père est un marin trop souvent parti sur les mers lointaines. Et les choses se compliquent encore lorsque la vie vient se rappeler douloureusement à elle. Entre attente et espoirs déçus, il est parfois difficile de démêler des sentiments contradictoires lorsqu’on est une petite fille même si, comme Momo, on est un petit chat sauvage… Avec l’histoire de Momo, on rit souvent, on est attendri beaucoup, et on pleure aussi. Jonathan Garnier a vraiment su trouver les ingrédients pour tenir en haleine son lecteur tout en l’émouvant… Dans cette merveilleuse BD, on se laisse emporter avec tendresse dans le quotidien grouillant de vie de la petite Momo. Le texte, d’une justesse rare, est porté par des illustrations remarquables, pleines d’émotions, aux traits tout à la fois volontaires et incertains: Rony Hotin parvient à insuffler une vraie tempête d’émotions dans sa représentation de la jeune Momo. Le tout forme un très très bel album, à enchaîner immédiatement avec le second tome de ce diptyque!