Jouer pour changer, par Christian Bruel

Quels (autres) sports (que le foot) dans les livres jeunesse ? : en 2007, dans le n°47 de Citrouille, Gégène (librairie L’Herbe rouge à Paris), interpellait Christian Bruel (éditions Le Sourire qui mord, puis Être) en lui posant cette question.

CHRISTIAN BRUEL :  « Je crains de ne pas pouvoir vous donner beaucoup de grain à moudre s’agissant des sports. En revanche, comme vous vous en souvenez peut-être, j’avais écrit (et publié au Sourire qui mord dans les années 80) un essai (Jouer pour changer, aujourd’hui difficile à trouver) qui tendait à montrer, exemples à l’appui, que des pratiques sportives et ludiques pouvaient exister en dehors de la sacro-sainte compétition.

Contre ce moteur compétitif pernicieux et emblématique, à mes yeux, d’un modèle social exécrable, j’ai récidivé avec l’album Toujours devant (Être éditions, novembre 2003, images de Nicole Claveloux), et il y aura une nouvelle couche pointant de désir compulsif d’être le meilleur (et sa mise en spectacle) chez nous en octobre 2007 : Des jeux étranges, un album de Gosia Machon…
Grande difficulté que de pratiquer et de soutenir d’une main les pratiques physiques et ludiques (individuelles et collectives) émancipatrices tout en combattant, de l’autre, l’aveuglante compétition généralisée à tous les champs de la vie. Et parce que doit toujours subsister une grande différence entre un album et un manifeste, je ne suis pas obnubilé par ce sujet : j’ai seulement tendance à contourner ceux qui embouchent plus ou moins naïvement les trompettes du baron de Coubertin.
Quant aux accointances trop peu nombreuses, entre la lecture de la fiction et certains sports, aux effets de mode (merchandising à la clé), à l’impérialisme du football, il faudrait sans doute (re)plonger dans les analyses de Pierre Bourdieu. Lequel avait par ailleurs la cruauté (un tantinet provocatrice) de faire remarquer que l’un des moteurs de la lecture était l’existence d’un « marché » sur lequel faire valoir des bénéfices escomptés ! Ce qui boucle la boucle.»

Christian Bruel