Julie Guillem, Prix Sorcières Documentaires 2017 : «À l’origine mon projet de diplôme n’était pas un livre jeunesse.»

Julie Guillem
CAROLE LE MINOUX: Julie, rêviez-vous en regardant les nuages lorsque vous étiez enfant?
JULIE GUILLEM: Pour être honnête je ne m’en souviens plus, mais sûrement! Comme tous les enfants, j’avais beaucoup d’imagination…  et je faisais surtout beaucoup de planche à voile! Lorsqu’on pratique ce sport on est obligé de porter une attention toute particulière aux nuages, parce qu’ils donnent des indications sur les conditions météos à venir et donc sur le vent!
D’où – ou non! – ce projet?
Lors de ma dernière année à l’Ensad, j’ai dû réaliser mon projet de diplôme et c’est là qu’est né l’Atlas des nuages. Je voulais que mon projet de diplôme soit en lien avec la météo mais c’était encore très vague. C’est seulement après un long travail de recherche et en découvrant des atlas de nuages photographiques que j’ai eu l’idée de faire un atlas des nuages illustré.
Comment avez-vous travaillé ce documentaire? En recherchant d’abord les informations ou en créant les illustrations?
Lorsqu’on débute un projet c’est toujours assez flou. J’ai fait beaucoup de recherches sur les nuages, j’ai collecté beaucoup d’informations, de définitions, d’images, lu beaucoup de livres, parlé avec des spécialistes (cela m’a pris presque quatre mois). J’ai ensuite travaillé sur la structure du livre, le format, la façon dont je voulais l’imprimer, le relier… Une fois que j’ai su à peu près à quoi ressemblerait mon livre j’ai commencé les illustrations.
Quelle technique utilisez-vous? Je sais que vous aimez la sérigraphie…
Pour les planches illustrées j’ai travaillé au fusain en noir et blanc. Cette technique permettait de rendre toutes les caractéristiques des nuages, c’est aussi un médium qui permet l’erreur puisqu’on peut gommer, revenir, rien n’est figé, rien n’est définitif, c’était idéal pour dessiner mes nuages. Une fois les dessins au fusain terminés, je les ai retravaillés et j’ai ajouté la couleur sur ordinateur. Pour mon projet de diplôme, j’avais imprimé l’atlas avec une annexe en quinze exemplaires à l’Ensad, en risographie (une impression tons directs similaire à la sérigraphie). À l’origine mon projet de diplôme n’était pas un livre jeunesse, mais lorsque j’ai rencontré Actes Sud Junior, ils ont tout de suite été séduits par mon atlas et ont vraiment cru en ce projet. Nous l’avons retravaillé ensemble pour rendre le livre plus ludique.
Comment avez-vous travaillé le texte scientifique, avez-vous demandé une relecture à un spécialiste comme c’est souvent le cas pour les documentaires?
Un météorologue de Toulouse avait corrigé mon atlas pour mon diplôme. La plupart des définitions sont des définitions scientifiques qui proviennent de l’Atlas International des nuages et de mes recherches.

Quel nuage préférez-vous?
J’aime beaucoup l’altocumulus lenticularis, il a vraiment une forme surprenante et peut être confondu avec un ovni!
À quoi ressemble votre atelier?
Je n’ai pas d’atelier! Cette année je suis encore étudiante à l’école d’Art appliqués Vienne et je peux donc profiter de l’accès aux ateliers de sérigraphie et de gravure. Sinon je travaille chez moi… ce qui peut être compliqué parfois. Il faut bien s’organiser!

Avez-vous un projet en cours?
Oui! Je travaille avec Actes Sud Junior sur un autre livre jeunesse! Et après celui-là j’aimerais travailler sur un autre projet de documentaire…

Propos recueillis par Carole Le Minoux, bibliothécaire Sorcière, responsable de l’espace jeunesse de la médiathèque Boris Vian à Chevilly-Larue
Et si on plongeait la tête dans les nuages, au propre comme au figuré? Ce documentaire, l’Atlas des nuages de Julie Guillem, est aux nuages ce qu’un herbier est aux plantes, conçu de la même manière avec taxinomie, planches de croquis, classification. Il pose des jalons clairs pour repérer et nommer les ciels, pour en comprendre la formation, tenter de les interpréter, selon leur hauteur (bas, intermédiaires, d’altitude) ou leurs auteurs (pour les nuages anthropiques, pas les plus glorieux hélas). Après chaque catégorie, tous les nuages une fois définis sont représentés. Grâce au travail à base de fusain, leur puissance évocatrice y est superbement mise en valeur tout en préservant la conformité au réel. Nous voici embarqués pour un voyage scientifique qui développera le goût du repérage, de l’observation, de la compréhension. Un voyage imaginaire aussi dans sa propre collection de nuages, et elle est grande pour chacun, associée à un lieu, des êtres chers, un tableau, une poésie, un album… Quel beau thème de partage d’égal à égal entre petits et grands. Ajoutons le toucher floconneux sans doute dû aux vertus du stratocumulus stratiformis de la couverture. Bref, on est sur un… nuage, un vrai feel-good book.