«Il faut beaucoup se promener pour arriver jusqu’à vous!» disait récemment une cliente en entrant dans la librairie Imbernon. En effet, la librairie se niche au niveau de la troisième rue de l’Unité d’habitation construite par Le Corbusier à Marseille: ascenseur, troisième étage, à droite en sortant, au fond… Monument Historique oblige, pas de signalétique! Qui a dit que le lieu d’implantation d’un commerce est son premier atout?
Titulaire d’une maîtrise en Sociologie et après un parcours professionnel effectué au sein de différentes structures en charge de l’insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté, Katia Imbernon soutient un DESS Développement Local. Une nouvelle orientation professionnelle se profile, puis s’affirme avec la rencontre de Jean-Lucien Bonillo, son mari, professeur en histoire de l’architecture du XXe siècle à l’ENSA Marseille. En 2001, les éditions Imbernon publient leur premier titre, Fernand Pouillon, architecte méditerranéen, et en 2002 la librairie spécialisée en architecture, urbanisme ouvre au public. «Je suis installée dans un lieu un peu particulier. Troisième étage, troisième rue, vue mer… Des rues à l’intérieur d’un immeuble, la vision est onirique, presque surréaliste. Ce paquebot parallélépipédique posé sur pilotis, sur le toit duquel on aperçoit, à l’horizon, les montagnes ou la mer, a quelque chose d’un ovni… Des façades colorées, des angles droits, des allées, des couloirs larges comme les rues des centres anciens, un toit-terrasse avec un gymnase, une pataugeoire pour enfants, la cour de récréation de l’école maternelle. Et, au niveau du troisième étage, à côté de la galerie, une pâtisserie, un hôtel restaurant.»
Cinq ans plus tard, à l’occasion de Lire en Fête qui a pour thème «Une ville une œuvre» Katia Imbernon propose une nouvelle manifestation alors mise en avant sur le site national et sur lequel on pouvait lire: «À Marseille, parmi un grand nombre d’événements, la Librairie-Galerie Imbernon propose des animations autour de l’architecte Le Corbusier. Et pour cause, la librairie-galerie est sise dans la Cité radieuse, appelée aussi «maison du fada», immeuble-cité construit entre 1947 et 1952 par le célèbre architecte. Après deux années de participation dans le cadre du salon organisé par l’association des libraires au parc Chanot, ces locaux inhabituels accueilleront pour la première fois la manifestation, pendant toute sa durée. « Cette année j’avais envie d’initier autre chose et de mettre en avant l’architecture, confie la jeune libraire galeriste, Katia Imbernon. C’est la première fois qu’on organise un accueil avec des thèmes de visites et d’ateliers spécifiques »».
Une ville une œuvre, donc. Marseille – Le Corbusier: «Il me semblait qu’il était intéressant de lire la ville, de lire cet immeuble d’une autre façon et de mettre en avant le livre d’architecture», avance Katia Imbernon. D’où ce titre en forme de jeu de mots, «Quand l’architecture se livre…». Durant quatre jours, se succèderont: une exposition «Transcriptions d’architectures», qui présente les transformations de différents bâtiments industriels ou de services; des ateliers pédagogiques à destination du public scolaire, autour de l’architecture et «les sensations», «la mesure de l’homme», «les couleurs», «la lumière», «la vie collective» ; des visites en libre accès dans les parties communes de l’immeuble; des présentations d’ouvrages, des rencontres et des signatures; une table-ronde (au Syndicat des architectes) autour de l’architecture et du jeune public, avec Christine Desmoulins pour sa collection Archibald chez Norma, ainsi que des professionnels de l’architecture, de l’enseignement et de l’animation. Deux autres éditions de cette manifestation se dérouleront sur ce même schéma pour accueillir: Anne Herbaut (grâce à l’association Fotokino) en 2007, Max Ducos en 2008 qui séjourneront dans l’Unité d’habitation où ils seront au cœur de rencontres, dédicaces et ateliers.
En octobre 2009 c’est avec le consulat Italien, les éditions Corraini et l’association Les Trois Ourses que s’organise un événement avec la venue d’une exposition sur Bruno Munari et dont un des temps forts seront les deux ateliers animés par Katsumi Komagata. Un à la librairie et l’autre au consulat. Ces manifestations recevront également le soutien de la DRAC de PACA mais aussi de la Fondation de la Banque Populaire…
Suivra, en 2010, Quand l’architecture se livre… avec Claude Ponti. Cet événement est le fruit de la collaboration entre Anne-Marie Faure, bibliothécaire et responsable de L’Île aux livres, département Jeunesse de la Médiathèque de L’Alcazar et Katia Imbernon qui se prennent à rêver de projets fédérateurs, constructifs, échangent sur les contraintes et les envies de l’une et de l’autre, et tout naturellement décident de mettre en commun compétences, partenaires et ressources. C’est tout ce dont il sera nécessaire pour convaincre dès janvier de cette année-là Claude Ponti et son éditeur L’Ecole des Loisirs de s’engager dans l’aventure.
Au total plus de quatre-vingt-dix classes, de Digne en passant par La Ciotat et Marseille, de la maternelle au lycée professionnel, ont participé à ce projet qui s’est déroulé en deux temps. Tout d’abord du 15 septembre au 15 novembre le Syndicat des Architectes des Bouches-du-Rhône a accueilli des classes où les attendaient une tente accompagnée de tous les ouvrages de Claude Ponti et un jeu, l’Abrikaban avec son livret, créé par Valérie Décot, architecte de l’atelier Kléber. Puis le 17 novembre l’exposition présentant les originaux de Claude Ponti était inaugurée et un débat public accueillait trois cent quatre-vingts personnes. Presque cent classes dont chaque élève a reçu un livret-jeu sur le thème de la maison, ont fait la visite de l’exposition qui s’est terminée le 15 janvier 2011. Parmi ces classes, une quarantaine a également participé à un workshop sur le thème: le catalogue des maisons pour les enfants qui veulent en changer. Elles ont réalisé des œuvres collectives qui ont été présentées au Syndicat des architectes des Bouches-du-Rhône. Chaque œuvre était la preuve de la créativité débordante des élèves mais aussi des enseignants (vous pouvez retrouver la totalité de la manifestation ainsi que les précisions sur son montage sur le site http://lemuz.org/atelier/3734 )
«Encore merci pour cette aventure, vos réponses à toutes mes questions et l’accueil au SA13, c’était super et « c’est jamais trop quand c’est trop bien »… les élèves ont adoré… les parents et moi même aussi… épuisant certes… mais vraiment bien pour notre Abrikaban, je dois avouer que nous n’avons bien évidemment pas réussi à respecter nos plans… et qu’en fait, le meilleur moment c’était de tout casser… Nous vous remercions encore pour cette aventure ainsi que pour le magnifique livret donné à chaque enfant à l’Alcazar!» Ce témoignage de Valérie, enseignante -un parmi tant d’autres- suffirait, s’il était besoin, à souligner l’importance de la librairie Imberton, troisième étage au fond à gauche en sortant de l’ascenseur, et plus généralement l’importance d’une librairie indépendante et spécialisée… pour tous!
Laurence Tutello, librairie Le Chat Pitre.