L’album Tanbou réédité avec le soutien de l’ALSJ par les éditions Syros




L’A.L.S.J. voulait revoir Tanbou dans les rayons des Librairies Sorcières. Mais comment rééditer cet album-CD abordant la question de l’esclavage par le biais du tambour Gwo Ka? Le projet a mis quelques mois à pouvoir se réaliser, grâce à un partenariat avec les éditions Syros et à l’enthousiasme déterminée de Sandrine Mini, leur directrice.

Tanbou ou la double aventure d’un livre 

Le propre de notre association est de partager des savoirs, des expériences, mais aussi des projets fédérateurs pour nous construire une identité forte. Nous continuons contre vents et marées à jouer notre rôle culturel afin de nous démarquer d’un environnement commercial du livre qui tend, plus que jamais, à l’uniformisation, au retour en force vers le livre genré, et expliquer à nos clients notre indépendance intellectuelle quant aux choix que nous faisons dans nos librairies. Ils nous interpellent souvent sur des livres épuisés et ne comprennent pas toujours les enjeux économiques de la disparition de certains dans nos rayons. Nous n’avons pas toujours de réponse à apporter. Pour nous aussi les raisons restent parfois obscures…

La rigueur économique a ses exigences et n’a pas forcement les moyens d’attendre qu’un livre trouve son lectorat malgré son intérêt littéraire, artistique ou pédagogique. La production exponentielle ne laisse pas beaucoup de chance à la maturation, tant la place est comptée et nos trésoreries limitées au sein de nos librairies. Nous n’échappons pas à ces contraintes bien sûr, mais notre force de persuasion et notre enthousiasme est grand auprès de nos clients pour les livres que nous aimons et que nous faisons le choix de garder. Le luxe de prendre le temps pour éduquer l’œil, faire évoluer les goûts, le jugement esthétique et la perception visuelle de l’illustration, du style, de l’écriture reste pour nous la motivation essentielle de notre métier. C’est un travail de longue haleine qui ne rime malheureusement plus avec réalité économique.

Tanbou, c’est Jacques Binsztok, éditeur au Seuil Jeunesse qui avait eu cette audacieuse idée en 2000. Projet ambitieux puisque au-delà de l’écriture et de l’illustration du livre, une mise en musique avec récitant sur un CD l’accompagne, ainsi qu’un spectacle. Tanbou est une histoire de confrontation culturelle, une évocation de l’esclavage et une belle leçon de tolérance. Ce texte symbolique nous permet de transmettre une culture humaniste aux enfants, de se situer et de retrouver le sens de l’identité et de l’altérité, de donner des repères communs pour comprendre le monde qui les entoure.

Sa réédition est née justement de ce désir de redonner une nouvelle vie, une nouvelle forme à ce livre disparu des catalogues et qui nous manquait. Ce choix a été un cheminement et avant tout un concours de circonstances. Pourquoi ne pas tenter cette aventure? Après avoir rêvé un temps de le rééditer au label des Sorcières, nous nous sommes confrontés à toutes les difficultés du métier de l’édition, ce qui nous a vite découragés. Pas assez de temps, de maîtrise pour faire ce choix.

Mais les rapports privilégiés que nous avons la chance d’avoir aussi avec certains éditeurs font que parfois des idées germent. Alors, tout naturellement nous nous sommes rapprochés d’un éditeur complice pour envisager une coédition. Nous avons pensé à Syros, pour ses choix éditoriaux, mais aussi pour ses expériences des coéditions, notamment celles avec Amnesty International.

Rien n’a été simple dans cette réédition, mais la volonté et l’enthousiasme généré par un tel projet de part et d’autre, notre détermination infaillible à l’amener à terme est plein de sens dans un contexte ou la parole xénophobe se libère. De ces échanges le rêve a pris forme, est devenu réalité. Que la belle aventure d’un livre recommence: nous en sommes très fiers et très heureux.

Patricia Matsakis


L’album est publié à l’identique, avec cependant une nouvelle couverture, une nouvelle typographie, l’ajout du texte de la chanson finale (À la claire fontaine, avec quelques passages en créole) et surtout l’ajout d’un très beau texte de Patricia Matsakis faisant parler Edmony Krater sur le tambour, le Gwo Ka et l’histoire de l’esclavage.

Piotr Barsony est un artiste français représenté par la Saatchi Gallery. Diplômé en architecture de l’École des Beaux-arts de Paris, il se lance d’abord dans la bande dessinée puis dans une carrière prolifique de peintre, architecte, urbaniste, illustrateur, romancier et auteur de livres pour enfants: Tanbou (Seuil, 2000, Syros, 2014), La Chanson volée (Seuil, 2001), Papa porte une robe (Seuil, 2004, musique de Bumcello), Histoires de Joconde (JBZ Éd., 2010)…

Edmony Krater est titulaire du DE (Diplôme d’État) en percussions traditionnelles et consacre son enseignement et ses compositions aux rythmes du Gwo Ka tout en développant une musique contemporaine et universelle. Il est professeur au Conservatoire de Montauban.

Le Gwo Ka vient d’être répertorié dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France pour une inscription à la liste de l’UNESCO fin 2014. Emblématique de la culture guadeloupéenne, il combine le chant responsorial en créole guadeloupéen, les rythmes joués aux tambours et la danse.