Les enfants, la poésie. Question n°2: quel oiseau a une tête à dire du Rimbaud ?

  • Publication publiée :14 mars 2017
  • Post category:Archives
Par Alain Serres, écrivain, directeur des éditions Rue du monde
Ma fenêtre donne sur la rue Arthur Rimbaud. Étrangement, ce nom attire les oiseaux. À moins qu’ils ne soient motivés que par les cerisiers qui la bordent ? Personne ne connaît la réponse, pas plus qu’on ne sait d’ailleurs qui fait tourner le moteur du monde ou voler les oiseaux. Mais ce n’est pas grave parce que tous ces mystères, en perdurant, repoussent loin la détestable époque où les poètes n’auront plus rien à inventer.


Donc, dans ma rue, Arthur accueille les voitures et Rimbaud, les oiseaux. D’où cette question : quel est l’oiseau qui porterait le mieux les mots de cet immense poète ?
Mais le bouvreuil, bien sûr ! Avec son torse bombé, irradié d’un rouge éclatant. L’un de ses ancêtres a dû voir, avant même que Rimbaud ne le remarque, un jeune soldat endormi dans le val, « la main sur sa poitrine, tranquille, deux trous rouges au côté droit ». Comment cela ne laisserait-il pas une empreinte indélébile sur n’importe quel être vivant ?


Dans la rue, je regarde glisser les voitures pressées et les bicyclettes des collégiens.  Le camion à ordures fait des bonds, trois hommes à bord. Leurs gilets jaune fluo claquent sur leur peau noire. Un merle les regarde.
Suis-je bête ! C’est le merle moqueur qui a un bec à siffler du Rimbaud. Chaque année, il braille à tue-tête au temps des cerises comme le jeune Arthur chantait pour les insurgés de la Commune. Et s’il est un oiseau qui rêve de ne pas être sérieux, même après avoir picoré ses dix-sept ans, c’est bien le merle au printemps ! Salut les merlettes, bravo les merleaux.


Mon ami Jean-Marie Henry* vient de réunir 120 poèmes qui célèbrent les oiseaux. Ils le méritaient et lui aussi ! Depuis qu’il est tout gamin, galopant sur les chemins bleus de Bretagne, Jean-Marie apprend les oiseaux. Il sait les regarder et les écouter quand ils donnent des nouvelles de la rue des p’tits piafs, de la rivière des martins-pêcheurs, du champ des alouettes, du nuage des étourneaux… Nous parlions de ce livre** depuis longtemps avec Jean-Marie, le voilà enfin sorti de l’œuf, vibrant des couleurs attentives de Judith Gueyfier. Nous sommes comblés.
Si les enfants lisent cette anthologie, ils voleront peut-être un jour de leurs propres ailes dans la forêt des poèmes. Mais en plus, ils respecteront sûrement l’oiseau, qui nous donne à penser notre propre liberté.
C’est beaucoup d’espoir pour un seul livre, direz-vous ! Mais les oiseaux et Rimbaud, ne sont-ils pas aussi beaucoup de beauté pour la banale ruelle d’une résidence de banlieue ?


Demain, si tout va bien, je me poserai ici même la question n°3.

A.S.

* Jean-Marie Henry est l’auteur de la quasi totalité des 20 anthologies de poésie publiées par Rue du monde comme par exemple Devinez-moi, 185 devinettes-poèmes du monde ou Naturellement, anthologie de poèmes sur la nature.

** Plumes de poèmes, anthologie poétique autour des oiseaux, des p’tits zoziaux et autres volatiles, (Rue du monde), pour tous dès 8 ans.

Retrouvez ici les 4 autres questions Les Enfants, la Poésie :
https://goo.gl/2xKT1L