Les enfants, la poésie. Question n°5: est-il interdit de faire durer le Printemps?

  • Publication publiée :18 mars 2017
  • Post category:Archives

Par Alain Serres, écrivain, directeur des éditions Rue du monde

À ceux qui se contenteraient de ne faire durer le Printemps des poètes que pendant les quinze journées de son temps officiel, je voudrais opposer un droit vital de le prolonger au fil de cette troublante saison dont il emprunte le nom. En mars, avril, mai… lis donc le poème qui te plaît.
Et le droit de poursuivre le Printemps durant l’été qui suit ; la poésie, ça rafraîchit tellement l’esprit.


Juin— la neige
  de bourgeons
sur le sol. *


C’est Jack Kerouac, qui a relevé ce haïku, posé à ses pieds.


Mais pourquoi ne pas tenter de faire durer le Printemps des poètes tout l’automne et l’hiver suivants afin de ne pas mourir de froid ou de repli sur soi ? On peut, par exemple, réchauffer notre langue française avec le bois sonore des textes de Senghor ou de Césaire. On oublie trop ces autres façons d’aimer le français loin de Paris intra-muros.**Ou avec le petit bois sec d’un poème de l’amérindien Atahualpa Yupanqui.***. Il y a si peu de mots venus de tous ces ailleurs dans les cahiers de poésie des enfants de France.
La poésie s’imprime sur toute la carte du monde. Elle s’installe aussi sur la page à sa guise et parfois même, elle s’affiche***. La poésie, cet autre temps, cet autre espace, nous le dit nous l’écrit : nous ne sommes bien plus que des objets en trois dimensions.


Que toute l’année, et partout, vive donc la poésie et chacune de ses infinies couleurs, malgré ce que l’actualité du monde lui inflige. Il y a justement de bonnes librairies qui ont un rayon poésie toute l’année ! Même ouvert aux enfants. Et sur les étagères des médiathèques, de janvier à décembre, poussent des poèmes à foison… Que vivent longtemps les librairies jusqu’à la plus petite du pays et que jamais le beau réseau des bibliothèques qui émaillent le territoire ne soit privé des moyens de cultiver notre jardin public. La poésie ne se nourrit pas que d’amour et surtout pas d’eau sèche. Parfois, à la veille d’élections, on tremble…


Revendiquons le droit à la poésie tout au long de la vie. À la poésie vivante. Celle qui s’écrit aujourd’hui doit d’évidence rencontrer les femmes, les hommes et les enfants d’aujourd’hui. Comme une poignée de légumes tout juste cueillis, déjà poêlés et savourés : les maraîchers et les poètes veulent partager avec leurs contemporains !
Profitons du poète tant qu’il est vivant. Si, si, cela existe, des poètes vivants, même si les enfants s’en étonnent parfois quand ils en reçoivent un dans leur classe. Ils les croyaient tous au cimetière, couchés sous un livre de pierre !
La poésie c’est bien du vivant. Et même quand elle nous vient d’un lointain passé, le poème est gorgé de vie.


Merci au Printemps des poètes de nous donner l’occasion de penser, de dire tout cela. Et d’agir aussi : allez ! envoyez un poème à vos amis aujourd’hui, même un minuscule. Mais avant tout sentez-vous libre…


Si la poésie vous ennuie,
Mangez de l’ail, ça tue les vers.


Jean L’ Anselme ****


Demain, si tout va bien, je me poserai encore bien des questions


A.S.

* Le livre des haïkus (La table ronde)

** Le français est un poème qui voyage, anthologie de poèmes francophones (Rue du monde)

*** Tour de terre en poésie, anthologie multilingue de poèmes du monde (Rue du monde)

*** Pensées et proverbes de Maxime Dicton (Rougerie)

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