Les portraits de Leslie Vega : quand la libraire vend sa librairie…

  • Publication publiée :9 juillet 2017
  • Post category:Archives
Chronique de Leslie Vega, Citrouille n°58 – avril 2011

(Libraire Sorcière pendant plusieurs années à Limoges puis à Lille, Leslie Vega a nourri la revue et le site Citrouille de chroniques prenant souvent la forme de portraits mêlant générosité, gaieté et émotion)

Quand le rédac’ chef de Citrouille a fait le tour des libraires pour avoir des articles pour le prochain numéro, j’ai fait «Moi, moi!!! Je veux faire un portrait. Le portrait d’une libraire qui vend sa librairie». Mon dernier portrait j’ai pensé tout bas dans ma tête.

D’habitude – enfin, quand je dis d’habitude, je veux dire: les fois où j’ai fait des portraits – je les ai faits d’un coup. C’était dans ma tête (encore elle), tout clair, j’avais qu’à recopier.

Là, je me disais: je dirai ci, je dirai ça. Ah, et puis faut pas que j’oublie… Puis je l’ai écrit, puis bidouillé, puis rebidouillé. Je faisais lire les différentes versions à ma sœur qui disait: ouais, pas mal, mais t’as fait mieux. Elle m’énervait parce qu’elle avait raison.

Mais comment dire le petit trou qui se creuse dans le ventre quand on entend à l’autre bout du fil «Je me porte officiellement acquéreur de la librairie»? Et dans cette voix, y’a aussi de l’émotion. Et c’est chouette.

Comment dire mon nouveau regard sur la librairie? Un regard comme une caresse à un enfant qui part. Et la voix, la mienne qui dit «mais qu’est ce que tu racontes? T’as toujours dit que la librairie n’était pas ton bébé! Que c’était juste ton outil de travail! Que, ouais, t’avais la chance de l’avoir choisi, de l’aimer mais qu’en matière de bébé t’en avais qu’un et que d’ailleurs, c’est même plus un bébé puisqu’elle a maintenant douze ans!»

Comment dire la réaction de nos clients quand ils l’apprennent…?

En fait, j’crois que je suis pas capable de dire tout ça. Juste, je le vis et je me dis que jusqu’au dernier moment, avoir été libraire jeunesse, ici, dans notre librairie, à Agnès et moi, ça a été riche, ça a été dense, qu’on a beaucoup donné mais que ça n’a pas été pour rien.

Et bon sang, c’est pas dommage!

Leslie Vega