Lire à la maison #3 – 3 romans ados que Patricia Matsakis, du Bateau Livre, a dévorés pendant le confinement.

  • Publication publiée :15 mai 2020
  • Post category:Biblios

« Deux mois d’une vie en parenthèse, au temps redevenu flexible et aux atermoiements délicieux. J’ai reporté à plus tard mes angoisses, c’était plus confortable pour supporter l’attente, maintenant je vais devoir les affronter. Dernier week-end donc avant le « dé-confinement », avant la reprise et l’ouverture de la librairie. L’heure est au rangement, Tous ces objets posés à l’envi pour des projets cent fois commencés et cent fois remisés, pinceaux, boites de crayons, aiguilles à broder, fils de couleur, bottes de jardinage, graines à semer. Certains ont enfin abouti. Jardin désherbé et fleuri, dessins rangés dans les placards, les arbres du jardin ont servi de modèles. Chantier d’écriture mené à terme au bout d’une gestation de requin-lézard, Et enfin les livres. Des livres partout semés dans la maison. Les priorités professionnelles, les essentiels à ouvrir en cas de spleen, ceux commencés avec des velléités sincères, ceux en attente de désir ou de déclic. Des amoncellements plus ou moins hauts, pour satisfaire chaque envie de lecture pour des fractions de temps variables.

Je ne pourrais pas oublier les circonstances, car ces événements inédits ont donné à mes lectures une couleur toute particulière. Trois titres ont émergé assez largement de ces deux mois de repli. Leurs points communs – même s’ils sont bien différents -, c’est que je les ai dévorés d’une traite. Rien n’en venait me déranger, et la puissance de chaque récit restait intacte et sans dispersion.

https://www.librairies-sorcieres.fr/livre/16448597-hotel-castellana-ruta-sepetys-gallimard-jeunesse

Hôtel Castellana

Ruta Sepetys
Éditions Gallimard Jeunesse, mars 2020

Ruta Sepetys a un vrai talent de raconteuse d’histoire. C’est dans un contexte historique qu’elle tisse son récit avec des personnages incarnés en prise directe dans Espagne sous le régime dictatorial de Franco. Elle raconte à travers cette fiction, le vaste trafic d’enfants organisé par des médecins, l’église et des fonctionnaires de l’état civil, volé à des familles pauvres ou républicaines.
Une belle galerie de personnages, qui viennent nourrir et construire un récit réaliste et fort. L’autrice  y décrit avec finesse et dignité la pauvreté, la misère de la classe ouvrière, mais aussi sa véritable force et détermination pour résister à la violence et à l’humiliation du pouvoir franquiste.

Je te plumerai la tête 

Claire Mazard
Éditions Syros, février 2020

Lilou est la narratrice. Du début à la fin, c’est par ses yeux et son ressenti que nous découvrons son histoire. Elle a une relation très fusionnelle avec son père.
Au point que leur complicité met à mal sa relation avec sa mère. Une mère qui pourtant, viendra lui donner des clés pour analyser ce qu’elle vit et se sortir de l’emprise de son père, pervers narcissique et manipulateur dont elle se rend compte qu’elle est devenue sa proie.

Roman psychologique superbement construit autour des mécanismes de la manipulation mentale.

Tenir debout dans la nuit 

Eric Pessan
Éditions L’École des Loisirs, mars 2020

Lalie vit chichement avec sa mère. Elle n’a jamais connu son père, secret bien gardé. Quand elle est invitée pour une semaine à New-York par un copain de classe, elle est prête à lâcher toutes ses menues économies dans un billet d’avion. Mais ce voyage ne sera pas pourtant à tout prix. Un événement brutal la chasse dans cette ville sans repères, avec un anglais approximatif et la rage au ventre, la colère brûlante. Elle erre dans les quartiers de New-York pour se calmer, pour refouler l’oppression qui la submerge. Cette ville qu’elle découvre avec le seul objet emporté à l’arrache, son appareil photo. A travers ce prisme, elle la voit belle, misérable, extravagante, cosmopolite. Elle en partira précipitamment, mais ne sera plus jamais la même.

Un très beau texte subtil pour parler des regards inquisiteurs des garçons, des sous-entendus sexuels, des réflexions vulgaires et machistes dont sont victimes les filles, et comment, pour s’en protéger, ils peuvent les priver de leur féminité. Comme une image qui se révèle, par petites touches, Lalie chemine dans la ville éclairée, et nous raconte ses humiliations, et ses souffrances en remontant dans son enfance. « 

– Patricia Matsakis, librairie Le Bateau Livre, à Montauban