Lizi Boyd : «Dans l’enfance ce partage est un régal et dans la vie c’est juste une aptitude merveilleuse.»

  • Publication publiée :24 septembre 2017
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Dans l’atelier de Lizi Boyd
Gwendoline Dubrion (librairie Autrement Dit à Dijon) a eu envie de demander à Lizi Boyd d’ajouter quelques mots à ceux qu’elle avait trouvés dans le petit panier de son album, Grand Ours petite chaise. Merci à Maryline Couturier (même librairie) pour la traduction.


GWENDOLINE DUBRION: Quelles techniques employez-vous pour l’illustration de vos livres? Et quelle importance accordez-vous au papier utilisé?
LIZI BOYD: Pour mes livres, je travaille la gouache en raison de ses qualités graphiques et de la densité de la peinture. J’aime aussi coupler son utilisation avec du papier à fond coloré, comme dans Dedans Dehors, Promenade de nuit. Grand Ours petite chaise a été fait, lui, sur du papier cent pour cent coton. Le papier choisi par  l’éditeur est tout aussi important que les images et le texte. Et je préfère le papier mat au brillant car les illustrations, à mes yeux, donnent alors l’impression de se fondre dans la matière plutôt que flotter en surface. Mon péché mignon, quand je reçois un de mes nouveaux livres, est de plonger mon visage entre ses pages afin de sentir la profondeur merveilleuse de l’odeur de l’encre.


Pouvez-vous nous parler de vos sources d’inspiration?
Ma sensibilité esthétique est née de l’univers d’artistes dans lequel j’ai grandi, baignée dans le design des années 1950. Le mouvement des lignes et des couleurs, le jeu des formes et des motifs, la manière dont s’entrecroisent tous ces éléments, en harmonie comme en opposition, dans le but de créer un dialogue et une histoire, m’enchantent littéralement. À l’origine Grand Ours petite chaise était censé être un livre accordéon logé dans un étui – c’était juste pour m’amuser. Mon éditeur l’a vu et m’a demandé d’en développer l’idée en album. Je l’ai fabriqué en hiver, comme en témoignent la palette de couleurs et les motifs influencés par la force et la simplicité propres à cette saison.  


Vos couleurs comme les sujets abordés dans vos ouvrages sont axés autour des contraires et contrastes, pourquoi cette thématique?
Dans ce livre, tout est juxtaposé. Les tout-petits, souvent, n’ont pas une pensée qui respecte à tout crin la logique ou la linéarité. Dépourvus de ces balises «adultes», ils relient des points et des histoires comme au hasard. En tant que parent, abonder dans le sens de ce type d’élaboration et de jeu contribue à faire de ces enfants des passeurs d’histoires et des conteurs en herbe. Dans l’enfance ce partage est un régal et dans la vie c’est juste une aptitude merveilleuse.


Vos albums contiennent peu ou pas de texte, et si les mots sont choisis avec soin pour être savourés, cela laisse une place importante à l’imagination du lecteur. Comment envisagez-vous l’appropriation que peut se faire le lecteur des histoires que vous proposez et initiez pour lui?
Lorsque j’ai fait  Dedans Dehors, j’avais dans l’idée de créer une histoire qui puisse appartenir à l’enfant qui tient le livre. Je me suis littéralement assise et j’ai dessiné le livre en entier (en fait, je l’ai redessiné quatre fois), y glissant des bribes de narration au fur et à mesure. Les enfants lecteurs se le sont ensuite réellement approprié, comme il l’ont fait pour Promenade de nuit. Ils y ont ajouté des éléments au-delà même de ce que j’aurais pu imaginer. Dans Grand Ours petite chaise, il y a des mots, des mots à partir desquels un enfant peut broder: Grand Rocher, petit pique-nique, minuscule panier. Il se peut qu’un enfant demande: où est ce grand rocher? Qui vient à ce pique-nique? Qu’y a-t-il dans ce minuscule panier? Et quand le tout-petit imagine la réponse, c’est bien là le plus délicieux des émerveillements. Mon intention est vraiment de faire en sorte que l’enfant crée sa propre histoire. Les mots sont comme des pique-niques, petits et savoureux. Petite confession: mon français est du niveau d’un enfant de trois ans. Donc, à chaque fois que je suis en France, j’éprouve le langage et les sons de manière plus large. C’est comme si chaque mot devenait un être à part entière, avec des yeux, des oreilles, un coeur, des jambes, des bras. Et je repars toujours pleine de perspectives, d’idées et d’innocence retrouvée.


Propos recueillis par Gwendoline Dubrion, traduits par Maryline Couturier, Librairie Autrement Dit à Dijon


Grand ours – petite chaise

Albin Michel Jeunesse

Il était une fois… les contraires! Retrouvons-les de nouveau déclinés sous la palette épurée de Lizi Boyd, déjà appréciée pour ses titres précédents: « Dedans dehors » et « Promenade de nuit ». Chaque duo «Grand & petit» est une rencontre, souvent inattendue, elle n’attend que le lecteur pour lui prêter une histoire… à sa juste mesure. La ritournelle des ours ne manque pas d’évoquer l’incontournable Boucle d’Or. D’autres images plus insolites telles Grand oiseau et son petit parapluie ou encore Grande prairie et petite salamandre font appel à la créativité de chacun pour leur donner un sens réel ou imaginaire. Le rythme reste dynamique tout au long de la lecture grâce aux «minuscules» qui s’invitent au fil des pages ainsi que les mots savoureux à prononcer. Avec cet ouvrage l’auteur nous emmène bien au-delà d’un simple imagier élégant. C’est une invitation poétique, sensible et même drôle, à partager entre grands et petits, vous l’aurez compris! – Librairie Autrement Dit