Mais pourquoi Gulf Stream a-t-il envoyé du papier toilette aux libraires ? (itw)

Bienvenue chez Gulf Stream, éditeur… qui vient d’envoyer du papier toilette aux libraires ! Les locaux, anciennement en pleine ville de Nantes, se situent maintenant à Saint Herblain. Clairs et lumineux, ils rappellent le pont d’un bateau par l’utilisation de bois de teck et de fenêtres en hublots. Nous sommes accueillis par Angéla Léry, qui nous conduit à l’étage où nous sommes présentés à Paola Grieco, directrice éditoriale depuis 2007.

Alsj : Racontez-nous l’origine de Gulf Stream…
P.G. : La maison a été fondée en 1984 par deux complices : Pierre Marchand que l’on ne présente plus (les collections Découvertes chez Gallimard) et Jean Olivier Héron, illustrateur émérite (à l’origine du générique de l’émission Thalassa) sur l’île d’Yeu, tout deux, bien sûr, passionnés de mer et de bateaux… et de documentaires.

Alsj : Pourquoi avoir choisi ce nom, Gulf Stream ?
P.G. : Il s’agit d’un courant chaud, donc agréable, et il évoque la mer pour cet éditeur de la côte atlantique mais aussi la participation de financeurs britanniques.

Alsj : Au départ, Gulf Stream, ce fut des supports dits plats.
P.G. : Oui. Cartes postales, marque pages, affiches. Qui ne se souvient pas de La métamorphose d’une mouette en bateau ? Ces documents sont toujours orientés vers la mer, la nature, la sauvegarde d’un patrimoine.

Alsj : Quand passez-vous aux livres ?
P.G. : Au début des années 2000. Gulf Stream édite d’abord la collection Sauvegarde puis avec l’arrivée de Madeleine Toby qui venait de chez Bayard puis Actes Sud, en 2005, la maison se lance dans les contes et les romans bleus : Sorbet soleil (Claire Mazard), Chicago blues (Corinne Albaut). Viennent ensuite les albums avec une idée qui est de perpétuer la transmission des savoirs – notamment avec Dame Nature : Les Plantes qui puent qui pètent, qui piquent sorti en 2008. Cette collection permet de conforter la place de Gulf Stream comme un éditeur scientifique et d’équilibrer les budgets. Aujourd’hui, ma volonté est d’élargir à l’imaginaire.

Alsj : Et comment réussir ce changement de cap ?
P.G. : Pour réussir l’édition de romans, j’ai eu une idée suite à la venue d’un adolescent en stage d’observation : constituer un comité de lecture avec des adolescents de 11 à 17 ans. Ils sont 80 maintenant ! Je réalise une sélection avec 1 ou 2 manuscrits, une vingtaine de questions. C’est très chronophage mais très intéressant. Cela n’empêche pas une certaine exigence éditoriale ; je tiens à apporter une dimension littéraire en plus du coté « pages turners »  ! Aujourd’hui, de plus en plus d’ados veulent éviter les passages descriptifs qui pourtant sont indispensables pour créer l’ambiance.

Alsj : Quelques titres de la collection romans noirs ?
P.G. : Fleurs de dragon de Jérôme Noirez qui a reçu plusieurs prix ainsi que Desolation RoadAmi entends-tu de Béatrice Nicodème

Alsj : Surtout ne changez rien à vos vraies couvertures ! Continuez à les faire si belles !
P.G. : Merci du compliment ! C’est Aurélien Police qui réalise les couvertures et l’univers des romans noirs à base de collages numériques.

Alsj : Et pour la fabrication ?
P.G. : Nous travaillons encore de façon artisanale sur la composition de l’image, la typo, la fabrication. Et nous imprimons en Italie ou en France. Nous sommes des défenseurs de la biodiversité. En outre, je voudrais souligner que nous ne faisons travailler que des auteurs francophones.

Alsj : Et en terme de distribution ?
P.G. : Le départ des éditions Milan (vers Larousse) a donné plus de visibilité à Gulf Stream ; Volumen prend plus de soin à nous défendre. Nous voulons nous inscrire dans une optique à long terme de partenariat avec les libraires notamment Sorcières.

Alsj : Parlons un peu de Rouge Tagada
P.G. : Charlotte Bousquet m’avait envoyé un texte de 10000 signes, un peu comme une nouvelle. Stéphanie Rubini l’a mis en images et ce roman graphique a bénéficié de l’actu « Mariage pour tous ». Le second qui arrive, Mots rumeurs, mots cutter, traitera du harcèlement sur internet. On veut avoir un coté militant avec cette collection.

Alsj : Et pour finir, expliquez-nous cet envoi de papier toilette chez les libraires !
P. G. : On a voulu attirer l’attention ; hier est sorti La science du caca [lire ici], un album/docu réalisé avec du papier brut très soigné. L’auteur, Frédéric Marais, issu de la pub, a choisi des illustrations très concrètes. Dans cette collection, on trouve également Le goût des insectes. Et on vous offre avec l’album un marque pages… fabriqué avec de la bouse d’éléphants !

Propos recueillis par Didier Paquet, librairie La Courte Echelle de Rennes, et Stéphanie Davidson, Déléguée générale de l’ALSJ