Marine Schneider, avec délicatesse

  • Publication publiée :10 mars 2019
  • Post category:Archives

Ex-enfant déterminée à écrire et dessiner des livres pour enfants, ex-libraire amoureuse de la Norvège et des ours, admirative de Mogu Takahashi et depuis toujours de Tomi Ungerer, Marine Schneider est l’auteure illustratrice d’un premier album: Hiro, hiver et marshmallows (lire la critique au bas de cette page). Simon Roguet, libraire à M’Lire, l’a rencontrée.

SIMON ROGUET: Marine, quel sentiment est le vôtre, après ce premier album jeunesse publié?

MARINE SCHNEIDER: C’est un sentiment d’accomplissement puisque c’est la réalisation de ce que j’imaginais depuis toute petite lorsque je disais déjà vouloir faire des livres pour les enfants! Plus jeune, je remplissais des cahiers d’histoires que j’illustrais. Le dessin a, je pense, toujours pris plus de place, il vient facilement, très naturellement. Les textes, j’y réfléchis parfois pendant longtemps. Mais je raconte des histoires avant tout, que ce soit avec des mots ou avec des images. Alors pour cet album, faire les deux, c’est le gros lot! J’aime raconter des histoires dans les images, des choses parfois minimes que le texte ne dit pas. C’est aussi très enrichissant de lire des chroniques ou de récolter les avis sur le texte, puisque l’écriture d’un album est une première pour moi.

SIMON ROGUET: Et pour Hiro? L’histoire a-t-elle porté l’illustration ou êtes-vous partie d’images pour ensuite écrire le scénario?

MARINE SCHNEIDER: Un peu les deux. J’ai d’abord dessiné un ours et je savais que j’avais envie de dessiner un univers enneigé. Et puis lorsque j’allais nager à la piscine municipale, je réfléchissais au scénario. C’était presque méditatif. Certaines scènes se sont rajoutées, d’autres ont été retirées, le texte a évolué avec les illustrations, et inversement. C’est ce que je trouve génial lorsque l’on est à la fois auteur et illustrateur: le livre peut prendre une nouvelle tournure à n’importe quel moment, cela donne une grande liberté….

SIMON ROGUET: Vous vivez (avez vécu?) en Norvège et je trouve que cela se ressent dans votre façon d’illustrer et de raconter les histoires. Il y a dans votre style quelque chose que l’on peut retrouver également chez certains auteurs nordiques. Quel regard portez-vous sur la production en jeunesse dans ces pays?

MARINE SCHNEIDER: Oooh, la Norvège… Comme je l’aime! J’aime les paysages, la façon de vivre, l’air frais. J’ai toujours été attirée par les paysages du nord, mais ce n’est que lors de mon erasmus à Bergen en Norvège que je suis vraiment tombée amoureuse. Je me suis alors penchée sur la littérature de ces pays, et surtout sur la littérature jeunesse, et j’y ai découvert exactement ce que j’aime dans un album, et cette façon de raconter si particulière. On peut parler de tout, on n’a pas peur d’aborder les sujets délicats, mais on le fait avec une délicatesse, une poésie, parfois dure, mais une poésie quand même. J’aime particulièrement Eva Lindström et ses albums où il ne se passe rien et plein de choses à la fois, ou Tove Jansson et ses Moomins parfois dépressifs, à la recherche de leur identité, Mari Kanstad Johnsen ou encore Jockum Nordstrom. C’est très inspirant. J’ai commencé ma carrière d’illustratrice en publiant chez un éditeur norvégien, Magikon Forlag, et j’ai donc été plongée dans cet univers, et lorsque j’écris et/ou dessine pour un public francophone, je ne change pas ma voix, mon trait. Je trouve que c’est important d’aborder des sujets sensibles (mais pas que!), et finalement je pense que ce sont surtout les adultes qui en ont peur, et moins les enfants à qui les livres sont destinés…

SIMON ROGUET: Des éditeurs comme Cambourakis, L’étagère du bas ou même l’école des loisirs s’intéressent particulièrement depuis quelques années à ce qui se passe dans ce pays. Que pensez-vous de l’arrivée de ces ouvrages en France ou en Belgique?

MARINE SCHNEIDER: Je trouve ça génial, mais je pense aussi, en tant qu’ex-libraire jeunesse, que c’est très difficile de trouver un public pour ces livres. Ce sont des livres difficiles à défendre, même si on les aime très fort. Lorsqu’il ne se passe rien de plus que la vie telle qu’elle est, les gens semblent réticents, comme s’ils avaient peur. Et ces albums donnent une grande part à la sensibilité de chacun, ce sont donc des albums qui selon moi se vivent et ne s’expliquent pas tellement. Un livre avec une histoire rocambolesque est souvent plus facilement mieux reçu. Mais je pense que petit à petit, ces albums trouveront un public dans nos pays. Et vivement que ce soit le cas, car ce sont des livres importants.

SIMON ROGUET: Outre ceux que vous avez déjà évoqués, quels sont vos auteurs ou illustrateurs préférés, ceux qui vous font rêver ou que vous admirez?

MARINE SCHNEIDER: J’aime aussi beaucoup les Japonais. Je trouve qu’ils ont également une très belle sensibilité dans leur manière de raconter les histoires et de les mettre en images. Je pense par exemple à Junko Nakamura. Il y aussi Mogu Takahashi que je trouve incroyable et qui met une spontanéité et une énergie incroyable dans ses dessins. De notre côté du globe, j’aime et j’admire les pochoirs de Bernadette Gervais, les histoires farfelues de Béatrice Alemagna, et évidemment le tout grand Tomi Ungerer que j’aime depuis toute ma vie!

SIMON ROGUET: Pour finir, racontez-nous un peu vos futurs projets en cours ou qui vont être publiés prochainement.

MARINE SCHNEIDER: J’ai un petit garçon de cinq mois qui m’inspire énormément et qui m’a notamment inspiré une série de livre tout-cartons: un imagier en pochoir, et puis un blaireau qui vit sa vie de blaireau, toute simple, mais néanmoins bien remplie. Je travaille aussi sur un album écrit par mon amie Victoire de Changy, une histoire d’ours (oui, oui, j’aime beaucoup ces bêtes-là!). En tout cas, ce n’est pas l’inspiration qui manque, mon carnet déborde de nouvelles idées… À suivre!

Propos recueillis par Simon Roguet, Librairie Sorcière M’Lire à Laval



Hiro, hiver et marshmallows
Auteure illustratrice: Marine Schneider
Éd. Versant Sud 

Hiro est une ourse curieuse et déterminée. Alors que sa famille hiberne tranquillement au bon chaud de leur maison, elle ne peut se résoudre à dormir si longtemps et décide de partir à l’aventure, à la découverte de l’hiver, ce grand inconnu. Ses pas la mèneront jusqu’à un village où des enfants préparent une fête, où cela sent bon le marshmallow. Son arrivée va provoquer la peur des jeunes humains, sauf un, Émile, qui deviendra son ami pour un instant unique, hors du temps. Voici le premier album de Marine Schneider… et le moins que l’on puisse dire est, qu’en tant que tel, il est sacrément impressionnant! L’auteure illustratrice nous raconte une très belle histoire d’amitié, un joli moment de convivialité et d’accueil. Son texte est raffiné, élégant, et nous plonge dans une ambiance bienveillante relayée par les magnifiques illustrations qu’elle y adjoint. Ces dernières sont très douces et poétiques et font de cette jeune illustratrice l’une des plus belles découvertes du moment, qu’il faudra suivre absolument les années futures. Maîtrise graphique, poésie de l’histoire, profondeur du propos, cet album est un ravissement pour le lecteur. — Librairie M’Lire