Pauline Delabroy-Allard : la musique de la lecture

  • Publication publiée :24 mars 2019
  • Post category:Archives
Pauline Delabroy-Allard © Alexandre Dupeyron 

Lorsqu’elle était enfant, les parents de Pauline Delabroy-Allard choisissaient avec soin les livres qu’ils lui offraient à lire. Parmi ceux-là Chien Bleu, de Nadja, qu’on retrouve donc tout naturellement dans Avec toi, aux éditions Thierry Magnier, un album dont Pauline Delabroy-Allard est aujourd’hui l’auteure. Madeline Roth, libraire à L’Eau Vive, l’a rencontrée.

MADELINE ROTH: Votre écriture dans cet album est très musicale, avec un texte proche de la comptine, utilisant des onomatopées… Aviez-vous cette volonté, dès le départ, de décrire la journée d’une mère et celle de son enfant avec ce rythme-là, chantant?

PAULINE DELABROY-ALLARD: Oui, je voulais absolument que l’on puisse lire ce texte comme de la poésie, en chantant presque; je crois que c’est ce qui importe le plus dans la lecture, la musique qu’il peut y avoir, et comme j’ai plaisir à penser que cet album va être lu par des parents, par des grands frères et grandes soeurs, à haute voix…

MADELINE ROTH: On voit se dérouler, sur la page de gauche, la journée de cette mère, et sur la page de droite, celle de son enfant. Souvent les enfants ne savent pas ce qui se passe dans la journée des adultes. Et il y a cette idée assez forte que, même séparées, la mère et la fille sont ensemble. «C’est ma journée sans elle / Pourtant elle est partout». Peut-être que ce n’était pas l’intention, mais vous parlez d’une situation, une mère vivant seule avec sa fille, qu’on voit finalement peu en littérature jeunesse, sans que ce soit le thème de l’album, ni une difficulté, un problème.

PAULINE DELABROY-ALLARD: C’était effectivement mon intention, de montrer cette vie-là qui est finalement assez courante. La famille monoparentale fait partie des nouvelles formes de famille et c’est vrai que la littérature jeunesse ne s’en est pas encore beaucoup emparée. J’avais envie de montrer à quel point ce modèle-là est loin d’être une malédiction et peut être au point de départ de vies très jolies.

MADELINE ROTH: Pouvez-vous nous parler des images de Hifumiyo? Quel lien existe-t-il entre vos deux univers?

PAULINE DELABROY-ALLARD: Je crois que nous partageons le même goût pour les petits détails du quotidien, pour les couleurs, pour une certaine fantaisie aussi… par exemple j’adore la double page avec les abeilles qui lisent le roman de la maman!

MADELINE ROTH: «On lit un livre dans mon lit / mon préféré c’est Chien bleu». Quel rapport avez-vous eu à la littérature jeunesse enfant, et puis devenue maman?
PAULINE DELABROY-ALLARD: J’ai eu la chance de toujours vivre entourée de livres, dès l’enfance. Mes parents ont toujours considéré la littérature jeunesse comme la littérature adulte, avec le même soin pour le choix des livres et le même goût pour la lecture. Mon père inventait des histoires pour m’endormir. Et moi j’ai toujours aimé lire à ma fille de la poésie lorsqu’elle était bébé puis des albums, qu’elle a par dizaines dans sa chambre et qu’elle aime lire et relire depuis qu’elle sait le faire.

Propos recueillis par Madeline Roth, Librairie Sorcière L’Eau Vive à Avignon


Avec toi
Auteure: Pauline Delabroy-Allard
Illustratrice: HifuMiyo
Éd. Thierry Magnier

Avant de publier le magnifique premier roman Ça raconte Sarah aux éditions de Minuit, en septembre 2018, Pauline Delabroy-Allard avait écrit ce Avec toi, illustré par HifuMiyo, dont c’est également le premier album. Une mère et sa fille, du lever du jour à la nuit qui tombe, la page de gauche racontée par la mère, celle de droite par la petite fille. L’idée est très simple, les images vintage, et ce qui séduit avant tout, c’est l’écriture de Pauline Delabroy-Allard. C’est presque une ritournelle, un poème, une chanson, on y croise des onomatopées, des phrases courtes, «ma maman mange ses tartines grillées / et ça fait le même bruit que lorsqu’on marche / dans les feuilles mortes (…) quand elle fait la vaisselle / je fais le tour de sa cuisse avec mes bras / j’hésite à poser ma tête sur sa fesse droite ou sa fesse gauche / elle en a deux et voilà». C’est très doux, poétique, il y a tout l’amour possible entre ces deux personnes, mais aussi le quotidien de l’une et l’autre – et même quand l’enfant n’est pas là, «elle est partout». — Librairie L’Eau Vive