Pour déconstruire la tentation du bouc émissaire : Max s’en va – lu par la librairie Voyelles

«Dans la ruelle du bonheur, des cris de faim» (Pierre Reverdy, Fonds secret, éd. Ferraille). Dans Max s’en va, il ne sera pas question de faim. C’est toutefois un contraste également saisissant que nous offre cet album: pour riantes et colorées qu’elles soient, comme en hommage à Benjamin Rabier, les illustrations d’Armelle Boy n’en donnent pas moins à voir au jeune lecteur une histoire terrible, imaginée par Erio Gherg, «humaine, trop humaine»…

De retour de voyage, Herbert le canard constate la disparition de son meilleur ami, Axel le têtard. L’affolement de l’oiseau attire l’attention des autres animaux de la ferme. Bientôt, les soupçons vont se porter sur Max. C’est un corbeau, après tout: il croasse, il est noir, et même si tout le monde le connaît bien, il ne fait pas vraiment partie du groupe… À coup sûr, c’est lui le coupable, puisqu’il en faut bien un. Les animaux de la ferme capturent Max qui, à l’issue d’un procès forcément impartial, se verra condamné pour avoir mangé Axel, à dix ans de détention dans le clapier de Gontrand le lapin.

Le soir même, pourtant, Herbert fait la connaissance d’un nouvel habitant de la mare, une grenouille, qui en fait n’est nul autre qu’Axel, arrivé au terme de son développement… Le lendemain matin, honteux de leur terrible injustice, les animaux de la ferme libèrent Max, se confondent en excuses. Le mal, cependant, est fait, que rien ne saurait effacer. Peut-être Max pardonnera-t-il un jour à ses accusateurs d’avoir agi en foule avide de boucs émissaires, mais pour l’heure il est encore trop tôt. Sous les yeux attristés d’Herbert et des autres animaux, Max prend son envol pour quitter la région.

Il convient de saluer le courage et la réussite de cet album exemplaire d’avoir su mettre le thème du bouc émissaire à la portée des enfants, qui ne sont pas les derniers à foncer collectivement tête baissée dans la désignation de coupables imaginaires. Une leçon d’une grande force.

Thomas Savary, librairie Voyelles aux Sables d’Olonne

Max s’en va – Erio Gherg, Armelle Boy – éd. Le Buveur d’Encre – Date de parution : mai 2010