Tout le monde le sait, notre pouvoir d’achat ne cesse de s’éroder.
Gigi la pauvre enfant a dû diminuer drastiquement sa consommation de sacs à main : de dix par mois la voilà contrainte à n’en acheter que quatre ! Ce qui la met de fort mauvaise humeur (déjà que bon).
Moi même j’ai dû renoncer à m’acheter une magnifique paire de bottines qui me faisait de l’œil, laissant en suspens cette question existentielle qui me hantera longtemps : je prends les marrons super cools, ou les noires trop classe ??
Des soucis, que des soucis.
Et pendant ce temps-là, ces salauds de riches s’en mettent plein les poches.
Nous retrouvons dans ce salutaire petit ouvrage le couple de sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon qui ont porté leur sujet d’étude sur les classes dominantes.
S’adressant d’ordinaire à un public de gauchistes d’adultes, les Pinçon-Charlot investissent ici le champ de la littérature jeunesse en vulgarisant leur propos (ce qui arrange bien Gigi puisque, me confiait-elle récemment, elle n’arrive pas à lire leurs livres pour adultes – je pouffe).
Leur cheval de bataille reste le même: dénoncer la domination des très riches et l’écrasement du reste de la population.
La notion de classe sociale est ici largement expliquée et les auteurs cherchent à définir au plus près ce qu’on entend par classe dominante, la déterminant à la fois par la grande richesse, l’héritage familial et l’accès aux milieux culturels, politiques et financiers.
«La domination symbolique se reproduit de génération en génération, car les enfants de la bourgeoisie se sentent supérieurs aux autres enfants dès le plus jeune âge».
Les Pinçon-Charlot dénoncent avec à-propos la violence sourde et banalisée que ces classes ultra dominantes infligent aux plus pauvres, en usant par exemple d’éléments de langage soigneusement choisis, comme parler de coût du travail au lieu de salaire ou encore de charges au lieu de cotisations sociales.
Se met ainsi en place une sorte de domination psychologique qui cantonne chacun à sa place et réserve le meilleur aux plus nantis.
«De génération en génération, les grandes réussites économiques se transmettent et assurent aux héritiers un capital, des revenus et du pouvoir sur les autres classes sociales».
Le couple de sociologues ne fait évidemment pas mystère de ses orientations politiques (au cas où vous auriez pas compris) et si le propos est un tantinet manichéen (mais vraiment un chouïa) il a le mérite d’apporter des explications claires à des mots, des concepts que les enfants entendent à longueur de journée (enfin ça dépend desquels, remarquez bien, ah ah ah): chômage, classes sociales, paradis fiscaux, coût du travail etc….
Le bouquin ne mâche pas ses mots, jette un pavé dans la mare et incite à ne pas se conformer au modèle dominant.
Ben moi ça me plait et puis c’est tout. Parce que même si le trait est un peu forcé, vulgarisation oblige, on n’est pas loin de la vérité.
Et puis ça me rappelle mon grand-père communiste qui avait toujours le poing levé et ça m’émeut (meuh).
En plus c’est édité par la Ville brûle (tout un programme), maison d’édition engagée qui avait déjà été remarquée pour son vibrant plaidoyer féministe On n’est pas des poupées.
Les illustrations d’Etienne Lécroart sont pleines d’à propos, de drôlerie et elles ressortent super bien puisqu’elles sont en noir et rouge (un rouge très rouge)
Alors travailleurs, travailleuses, camarades, levez-vous, indignez-vous !Et mettez dans les mains de vos petits anarchistes en herbe ce premier manuel de pensée critique très très critique.
Véro, la librairie la Boîte à Histoires à Marseille
Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres? de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, illustrations d’Etienne Lécroart, éd. La Ville Brûle.