Lauréat Premières lectures
Il était une fois… Contes en Haïku – Agnès Domergue et Cécile Hudrisier – Éd. Thierry Magnier – 11€ – Agnès Domergue s’est lancé un pari un peu fou: raconter et laisser deviner un conte, mais en seulement trois lignes, comme autant de petits cailloux semés au fil des pages, en respectant la structure classique très codifiée du Haïku. Une façon originale et ludique d’aborder cette forme poétique avec un ouvrage entre livre jeux, exercice de style et célébration d’un genre littéraire… Chaque conte est évoqué par une double page. À gauche se trouve le haïku, remarquablement imaginé par Agnès Domergue, et à droite une illustration délicate de Cécile Hudrisier. Rehaussés d’une couleur dominante à l’aquarelle déposée comme une goutte, se développent des dessins, fins et précis, qui donnent les détails emblématiques du conte comme autant d’indices. Textes et images se mêlent et se complètent ainsi à merveille. Aucun titre de poème qui vendrait la mèche, mais on retrouve un index en fin d’ouvrage si toutefois on sèche! Les mots se savourent et se chuchotent, on s’amuse seul, ou en partageant à plusieurs ces poèmes énigmatiques devenus premières lectures idéales. La qualité de fabrication de ce petit livre objet contribue également à faire naître le sentiment d’avoir en mains un album précieux, ce qui ne gâte rien! (lire également ici)
Photo : Simon Roguet |
Nominés Premières lectures
Ma vie heureuse
Rose Lagercrantz et Eva Eriksson, trad. Nils Ahl – Éd. L’École des Loisirs, coll. Mouche – 9,50€
Un roman qui égraine avec tendresse les jours de l’année scolaire de Dunne, six ans, qui fait son entrée en CP. Une petite fille qui vit avec son papa et qui a une vie simple, une vie d’enfant avec ses joies, ses déceptions, ses petits bobos qu’elle partage avec le lecteur. Sur les bancs de l’école une amitié naît avec Ella Frida; les deux petites filles deviennent inséparables et pour Dunne la vie est heureuse. Mais voilà, Ella Frida doit déménager et Dunne soudain devient triste… Le texte, tout en simplicité, est un récit à hauteur d’enfant et touche du doigt la réalité du quotidien des petits écoliers. Les dessins accompagnent chaque scène avec la rondeur et la douceur du trait auxquelles Eva Eriksson nous a accoutumés. La petite héroïne, Dunne, est une gamine pleine de sagesse et d’humour qui, avec ses mots, transmet la candeur du bonheur de vivre et d’être aimée.
Pommes d’amis
Delphine Bournay – Éd. L’École des Loisirs, coll. Mouche – 9,50€
Clo est une vieille femme un peu solitaire, artiste peintre sans le sou qui écoute régulièrement les conseils de Gwendoline, présentatrice de son émission de radio du cœur préférée. Trotte, le chien, pensant l’arnaquer en toute impunité, sonne chez elle pour lui vendre 3530 kilos de pommes. Naïve, la vieille dame signe le contrat les yeux fermés avant de comprendre l’arnaque! Dès lors, rien ne va se passer comme prévu. Clo a un caractère bien trempé, elle déchire le contrat et somme l’importun de débarrasser le plancher avec toutes ses pommes! Mais en glissant sur l’une d’elle, Trotte trouvera le moyen d’attendrir la vieille dame… Après quelques disputes, ces deux-là vont alors se confier, échanger sur la peinture et devenir de vrais amis. Une question reste cependant en suspend: que faire de toutes ces pommes?… Voici donc un scénario drôle et bien rodé, qui fait la part belle au second degré! Les dessins et phylactères de Delphine Bournay offrent une présentation théâtrale originale proche de la bande dessinée, et les personnages drôles, attachants, à l’écoute les uns des autres, finissent par trouver les réponses à tous leurs soucis en partageant leur solitude.
Ursin et Ursulin
Zbynek Cernik et Alzbeta Skalova, trad. Xavier Galmiche – Éd. MeMo – 16€
Les ours sont des êtres habituellement solitaires, mais voilà qu’Ursin et Ursulin habitent ensemble, chose rarissime, exceptionnelle et inexplicable. Ursin, le plus vieux, est assez grognon, et Ursulin, le second, est un tout petit ourson. Ces deux-là se consacrent à leur passion commune: la recherche de nourriture. Or, les pandas chinois, c’est connu, sont bien mieux nourris que les ours. Qu’à cela ne tienne! Du lait de chaux et un peu de cirage auront tôt fait de transformer nos deux héros pour parvenir à une vie meilleure… jusqu’à ce que la pluie ait raison de leur maquillage. Après cette tentative ratée, pourquoi ne pas essayer d’être un ours américain, vanté par Bob le cousin d’outre Atlantique?… Chaque chapitre nous raconte ainsi une saynète fondée sur la difficulté de se nourrir. Entre ingéniosité farfelue et tentatives vouées à l’échec, ces deux ours un peu voyous, le grand entraînant le petit, vivent neuf aventures gourmandes, drôles et incroyables. Les deux auteurs tchèques réalisent un livre anthropomorphique plein de fantaisie, de tendresse et d’humour servi par des illustrations de qualité.
La Tête de mon brochet
Isabelle Collombat – Éd. Thierry Magnier, coll. Petite poche – 5,10€
Comme tous les dimanches, tôt au petit matin, Lolo accompagne son grand-père pour une partie de pêche au bord de l’étang. Chaussé des bottes en caoutchouc taille 43 prêtées par son grand-père pour affronter l’humidité, le jeune garçon peine à s’éveiller et suit son papi à contre cœur. Lolo souffre de l’absence de sa mère qui travaille loin, et la pêche n’est pas vraiment sa passion… Difficile cependant de l’annoncer au grand père recouvert de sa panoplie couleur treillis, déjà à l’abri sous un igloo arborant le même camouflage, façon commando des forces spéciales! Et puis c’est toujours le même rituel, la lecture du journal, la sieste, et toujours le passé qui finit par resurgir: en regardant l’usine désaffectée qui borde l’étang, son grand-père lui raconte ses souvenirs, du temps où il y était ouvrier. Ce jour-là, enfin, un gros poisson mord à l’hameçon! Mais le grand-père a d’autres soucis en tête et laisse le garçon se débattre avec le brochet… Isabelle Collombat nous propose un voyage dans la tête d’un enfant en plein conflit générationnel, dans un roman sur fond de chronique sociale et qui, en la dénonçant, traite principalement de l’hypocrisie.
Illustration : Sara |
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