Prix Sorcières 2014 Romans Ados : Calpurnia (+ nominés)

Lauréat Romans Ados


Calpurnia – Jacqueline Kelly, trad. Diane Ménard – Éd. L’École des Loisirs, coll. Médium – 19€ – 1899, comté de Caldwell, Texas. À l’aube du XXe siècle, Calpurnia Virginia Tate a onze ans. Issue d’une famille de grands propriétaires terriens, elle vit entourée de six frères, de ses parents et d’un grand-père un peu fantasque et solitaire. La vie est rythmée par la fabrique de coton où les travailleurs noirs gravitent autour des familles blanches de l’époque, mais aussi par les différents enseignements incontournables liés à l’éducation de toute jeune fille de bonne famille. Mais Calpurnia a l’esprit vif et curieux, et les leçons de piano interminables, comme la cuisine ou la broderie l’ennuient profondément. Alors, dès qu’elle le peut, elle se faufile à l’extérieur, observe la rivière et ses abords et s’interroge sur les bizarreries de la nature. S’ouvrant de ces questions à son grand-père, elle va découvrir en lui un vieux bonhomme peu conventionnel, naturaliste enthousiaste et passionné. Il va l’initier à l’observation scientifique, lui faire lire Darwin et sèmera subtilement dans son esprit la graine de la science. Dès lors Calpurnia nous décrit son quotidien, avec toute sa spontanéité et sa candeur. Elle nous raconte sa course effrénée dans la vie, entre des obligations qui la laissent parfois plus étonnée que prévu, son insatiable curiosité pour la nature qui l’entoure, sa soif d’apprendre et la tendre complicité toute neuve qui grandit entre elle et son grand-père. Calpurnia n’est ni révolutionnaire, ni même militante, elle s’interroge simplement sur la vie, la place de chacun dans ce monde et s’émerveille des promesses de ce nouveau siècle à venir… Un roman tout simplement superbe, tant par ses personnages et par l’histoire elle-même que par le style narratif de Jacqueline Kelly et de sa traductrice Diane Ménard!

Photo : Simon Roguet

Nominés Romans Ados


Sacrifice à la lune
Marcus Sedgwick, trad. Valérie Dayre – Éd. Thierry Magnier – 14,90€

Imaginez une boucle temporelle en sept nouvelles. Dans la première, Éric Seven part faire un reportage sur une petite île perdue. Tout y est étrange : les gens ne vieillissent plus, il n’y a pas de naissance, pas d’enfants non plus. Il va faire la connaissance de Merle, mystérieuse alliée sur cette île hostile aux étrangers… Au fil de ces sept histoires, vous découvrirez l’origine de rites ancestraux encore pratiqués sur l’île et dont Éric sera la victime innocente. Innocente? Pas si sûr, car en remontant le temps au fil des récits, les destins d’Éric et Merle se trouvent étroitement mêlés pour aboutir aux origines, en des temps dont les hommes ne se souviennent plus et où le culte d’une mystérieuse orchidée a débuté… Fable sur l’éternelle quête d’immortalité, de pouvoir et d’amour, ce très beau roman à la construction singulière, nous révèle un monde cruel et mystérieux. Marcus Sedgwick, dont l’écriture ciselée est d’une redoutable efficacité, nous mène dans ce récit vers la folie des hommes.

La Double vie de Cassiel Roadnight
Jenny Valentine, trad. Diane Ménard – Éd. L’École des Loisirs, coll. Médium – 16,50€

Chap est un adolescent anglais «ramassé» dans la rue par les services sociaux. Pas d’identité, pas de passé connu… Mais une vraie porte de sortie qui s’ouvre presque miraculeusement: on lui présente la photo d’un autre adolescent, Cassiel Roadnight, disparu deux ans plus tôt et qui lui ressemble comme un frère. Un passeport pour la liberté que Chap se résout à saisir, conscient que la partie est sans doute perdue d’avance, et que les proches et la famille de Cassiel ne tarderont pas à s’apercevoir de la supercherie. Mais puisque tout le monde semble résolu à le prendre pour un autre, alors il sera Cassiel Roadnight. Pas simple cependant, d’investir la peau d’un autre, surtout lorsque la personnalité de son «double» s’avère pour le moins troublante. D’abord partagé entre la tentation d’une autre vie, et le sentiment de culpabilité qui l’habite, Chap comprend très vite qu’il est au cœur d’un épais mystère dont il mesure peu à peu l’enjeu et le danger… Construit comme un polar haletant, ce roman à l’intrigue originale se lit d’une traite. On est à la fois porté par l’écriture dynamique de Jenny Valentine et par cette enquête introspective qui fait monter crescendo un insoutenable suspens. Des personnages attachants aux contours psychologiques complexes, des secrets de famille, une étrange disparition dont on devine qu’elle cache autre chose qu’une simple fugue, tous les ingrédients d’un vrai roman noir, à l’ambiance très particulière. On en redemande!

Les Enfants de Babel
Eliacer Cansino, trad. Sophie Hofnung – Éd. L’École des Loisirs, coll. Médium – 16€

Pour qui a pu la visiter, Séville est probablement une des plus jolies villes d’Espagne. À condition d’en éviter la banlieue. C’est pourtant dans une de ces tours sinistres que nous sommes entraînés. Elle abrite beaucoup de familles ou de personnes isolées, tous avec leurs blessures ou leur passé difficile. Chacun y mène sa vie, soit vivant mal de ce qu’il a, soit améliorant son ordinaire par de petits trafics en tous genres. Au cœur de l’histoire, Angel, professeur, n’a jamais essayé de comprendre le désordre permanent qui y règne. Angel est pourtant la pierre angulaire de la vie de quelques élèves, qu’il tente d’aider au nom du cœur et de la philosophie. Parmi ceux-là Nor, qui a abandonné la classe pour partir à la recherche de son frère qui doit arriver de Guinée par bateau, à la merci des tempêtes et des passeurs sans morale… Eliacer Cansino livre un roman dynamique en proposant des personnages nombreux qui, quel que soit leur parcours, auront tous besoin les uns des autres. Fil rouge du récit une réflexion récurrente: agir ou laisser faire?

La Décision
Isabelle Pandazopoulos – Éd. Gallimard, coll. Scripto – 9,50€

Louise, élève de terminale, meilleure en tout, née d’un milieu bourgeois, un peu bon chic bon genre, Louise, donc, n’a rien vu venir. Victime d’un malaise en classe, elle a juste le temps de courir aux toilettes pour… donner naissance à un petit garçon. Et pourtant, Louise le promet, le jure, le clame: elle n’a jamais couché avec personne! Bien sûr, qui peut la croire? Peut-on enfanter sans avoir, au préalable, fait l’amour? Peut-on garder et aimer un enfant qu’on a pas attendu, encore moins désiré? Comment affronter le regard des autres? Ses copines l’abandonnent à ses questionnements, ses parents s’interrogent. Seul Samuel, ami fidèle, va permettre de répondre en partie aux interrogations de Louise sur la paternité de cet enfant… Sur un sujet marquant abordé avec pudeur, le roman d’Isabelle Pandazopoulos arrive à nous maintenir en haleine du début à la fin du récit et soulève des thèmes comme le déni de grossesse, le viol et les drogues qui le facilitent et qui ne touchent pas que des filles paumées. À lire de toute urgence!

Illustration : Sara

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