Le lapin : Qui es-tu, l’ours ?
L’ours : Un produit concentré des névroses de mes parents, des Français, des Occidentaux, et des êtres vivants en général.
J’ai préféré garder mon nom plutôt que de prendre une marque de lessive comme certains dessinateurs. De plus, mon prénom me distingue de mon frère.
Quelqu’un qui comprend tout parce qu’il ne croit en rien.
Oui, il peut se le permettre parce qu’il est assez fort pour ne pas avoir de prédateurs, il est végétarien et trouve sa nourriture facilement, bref, il est dégagé des contingences matérielles.
Je suis peut-être un peu philosophe, mais uniquement sur les sujets qui m’intéressent, comme l’art.
Complètement. Son bonheur est un postulat. Le reste vient après.
La plupart des personnages de BD d’humour font rire parce qu’ils sont bêtes. Ce n’est pas le cas de Barnabé. Mon frère Jean-Luc et moi prenons le risque de créer des personnages intelligents.
Mon désir de traiter des sujets universels est tel que donner une personnalité à Barnabé serait pour moi tomber dans l’arbitraire. Ceci étant, je pense qu’il en a une malgré tout en filigrane, qui est une sorte de flemme coriace : il résout souvent les problèmes en ne bougeant pas.
Je veux lui donner la « lissité » de la logique, débarrassée de tout élément complaisant. Car c’est en étant rigoureusement logique que l’on peut faire apparaître les limites de la logique, les paradoxes, etc. La nature est là pour apporter un décor esthétique. L’esthétique participe à la neutralité : le moche est une présence, le beau une absence.
Il existe forcément quelque part sinon je n’aurais pas pu l’inventer.
Sans doute, mais je ne peux pas m’en rendre compte, étant mon propre repère… J’ai plutôt l’impression d’être un extra-terrestre.
Forcément : nous n’étions entourés que de gens qui se moquaient de nous, qui nous confondaient tout le temps, et ne faisaient pas l’effort de nous différencier. Difficile dans ces conditions d’aimer les gens. Je me suis rattrapé depuis, mais au prix d’un gros effort.
J’ai grandi à Bordeaux jusqu’à dix ans, puis en Tunisie jusqu’à 14 ans, puis retour à Bordeaux. La Tunisie m’a apporté la découverte de la nature et de l’architecture arabe. L’univers de Barnabé provient de vacances dans les Alpes. Rien finalement qui vienne de Bordeaux. Je ne bois même pas de vin !
Une façade bordelaise classique.
Oui, j’ai besoin de me déplacer dans un environnement non pollué par la pensée humaine. La nature est belle donc non intrusive, elle respecte l’esprit.
J’aurais établi une relation avec l’homme de Néandertal plutôt que de le repousser dans les terres gelées.
Supprimer la publicité.
Biologiste ou zoologiste.
Mes réponses m’intéressent.
J’avais très peur de l’eau quand j’étais enfant mais j’ai appris à nager et c’est l’une des peurs que j’ai pu surmonter entièrement.
Je ne vois pas de différences entre un ours et moi.
Il n’y a qu’un bonhomme compliqué pour avoir l’esprit aussi clair. Pour terminer notre entretien avec ce drôle de personnage drôle, je lui ai proposé quelques lignes pour parler de ce qu’il souhaite, d’un sujet qui le passionne, de quelque chose qu’il aime ou qui l’énerve :
« Beaucoup de choses peuvent énerver aujourd’hui, mais il ne s’agit que de cycles : il y a des périodes où l’on respecte les gens, puis d’autres où l’on ne les respecte pas, des alternances de guerre et de paix, de morale ou d’immoralité, etc. Mais aujourd’hui, il y a une nouveauté, du jamais vu : c’est l’irréversible.
L’irréversible, c’est la destruction de la biodiversité. Il s’agit d’un appauvrissement définitif du milieu dans lequel nous vivons. C’est une victoire définitive de la bêtise : les pauvres en esprit transforment le monde à l’image réduite qu’ils en ont. Cette amputation est particulièrement déprimante : les aveugles détruisent ce qu’ils ne voient pas et ne verront jamais. C’est pourquoi développer la sensibilité à l’art, donc à la nature, me paraît essentiel. La nature est à la civilisation ce que l’inconscient est à l’esprit : une zone de création. Ceux qui détruisent la nature sont ceux qui n’ont pas accès à leur propre inconscient. »
Propos recueillis par Vincent Cuvellier (son blog)