Tu t’appelles qui, Françoise Pétrovitch ?

  • Publication publiée :21 mai 2017
  • Post category:Archives
Peintre, dessinatrice, sculptrice, graveur, vidéaste, l’artiste Françoise Pétrovitch est l’illustratrice l’illustratrice de Tu t’appelles qui?, son premier album pour enfants. Elle a expliqué  à Madeline Roth (librairie L’Eau Vive) comment elle en a conçu les images.

MADELINE ROTH: Comment est né cet album?
FRANÇOISE PÉTROVITCH: Il y a deux ans, j’étais invitée à la radio dans l’émission RenDez-Vous de Laurent Goumarre, sur France Culture, et Thierry Magnier était invité lui aussi. Et Thierry m’a proposé, en direct, de faire un livre! C’est ensuite qu’il a choisi Claudine Galea. Elle connaissait mon travail, elle aimait ce que je faisais. Et moi je voulais un «vrai écrivain»…


MADELINE ROTH: Plusieurs écrivains ont écrit sur votre travail de peintre, de plasticienne, notamment Éric Pessan ou Nancy Huston. Et vous aviez déjà illustré le texte d’une auteure, Dominique Mainard, pour La vie en rose paru en 2007 aux éditions du Chemin de fer. Mais c’est votre premier album pour enfants. Y a-t-il eu une forme de censure de votre part, puisque c’était pour enfants?
FRANÇOISE PÉTROVITCH: Non, je ne me suis pas censurée. Mais je n’avais de toute façon pas envie de faire des choses provocantes. Cet album s’inscrit dans mon travail. Je ne suis pas illustratrice; il fallait toutefois en quelque sorte dérouler un récit, mais on a travaillé en équipe et cela s’est très bien passé, j’ai eu le sentiment qu’il y avait beaucoup de liberté.


MADELINE ROTH: Dans un texte qu’a écrit Christine Angot sur votre travail, vous lui dites: «Les gens ne comprennent pas ce que je fais. Beaucoup pensent que c’est léger. Parce qu’il y a de l’esthétisme et que c’est jamais vraiment violent. Il y a parfois quelque chose d’inquiétant, mais en deuxième moment.» Dans ce livre aussi, vous diriez ça de vos images?
FRANÇOISE PÉTROVITCH: Non, je n’ai pas l’impression qu’il y ait de l’inquiétude ici. On lit, on voit: c’est un plaisir plastique. J’ai travaillé à l’encre de chine, noir, mais aussi avec de l’encre de couleur, avec de grands aplats. Pour moi c’est quelque chose de simple, de généreux. Ce sont de vraies couleurs physiques non réalisées à l’ordinateur. Il y a eu de très beaux échanges avec Camille Gautier, l’éditrice, qui était en lien avec le graphiste Célestin Forestier. On a fabriqué un livre tous ensemble, on s’est vus plusieurs fois avec Claudine Galea, personne n’a fait de concessions.


MADELINE ROTH: C’est très troublant, les résonances entre le texte de Claudine Galea et votre travail, autour de l’enfant, l’identité…
FRANÇOISE PÉTROVITCH: Oui. Avec Claudine on avait la même entrée dans le livre, on voulait faire quelque chose qui nous plaise, on n’était pas là pour faire un livre de plus. Et il fallait à la fois dérouler un récit, mais en même temps je ne voulais pas coller au mot, à la narration. Il fallait une distance, une tension par rapport aux mots. Par exemple j’ai ajouté une tête de lapin à l’enfant, et c’est même devenu la couverture du livre. Il y a un jeu sur l’identité dans le texte, ce qui laissait beaucoup d’ouvertures et d’interrogations. C’est un texte profond mais écrit d’une façon très simple. Et il y a l’idée du double (dans le reflet, l’autre, le prénom) qui est présente dans mon travail. Donc je suis partie assez vite sur cette idée du même, cette idée du décalage. J’ai fait des dessins au trait qui s’inscrivent en décalés. Je voulais quelque chose de très coloré avec des pages plus noires, plus sombres. J’ai beaucoup joué aussi sur la diffusion de l’encre. Cela crée des zones oniriques, des endroits où on ne sait pas trop où on est, dans la forêt, ou ailleurs…

Propos recueillis par Madeline Roth, librairie L’Eau Vive à Avignon


Tu t’appelles qui ?
Claudine Galea, Françoise Pétrovitch
Ed. Thierry Magnier