Une interview d’Éric Senabre à propos de son roman Elyssa – par la librairie Larcelet

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CAROLINE HAYOT: Elyssa peut être lu comme un roman d’aventure, basé sur des réalités historiques. Cela me rappelle les récits de Jules Verne… Quelles sont vos influences?
ÉRIC SENABRE: Jules Verne n’est pas, malgré les apparences, une influence directe car je n’ai jamais été un grand lecteur de Verne, à qui je préfère les anglo-saxons (Conan Doyle, H.G. Wells), voire d’autres français moins célèbres comme le génial Maurice Renard. Les adaptations cinématographiques des livres de Verne ont contribué à me forger une certaine esthétique dans laquelle puise ma trilogie Sublutetia mais pour Elyssa, je n’y ai pas pensé une seconde. Il s’agit plutôt d’un hommage non seulement à la littérature antique stricto sensu, mais aussi à des écrivains comme Walter Scott ou Steven Saylor. Et maintenant que j’y pense, je crois qu’il y a aussi un peu de Roger Zelazny dans mon Elyssa.

Votre roman est assez difficile à résumer tant il est riche. Prenons les personnages: chacun est le représentant de sa classe sociale et l’histoire de chacun ajoute un niveau de complexité au récit.
J’avais effectivement envie de donner un petit «échantillon de société», en le nuançant par rapport aux poncifs. On voit par exemple que Ganymède, pour esclave qu’il est, n’en est pas moins plutôt bien loti en sa qualité de secrétaire particulier. En revanche, dès lors qu’il est affranchi, il devient une sorte de citoyen de seconde zone, que les puissants peuvent encore prendre de haut. Elyssa, elle, a connu une ascension sociale grâce au mariage, ce qui n’était pas rare. Au final, rien n’est tout blanc ou tout noir, et le fonctionnement de la société romaine se révèle plein de subtilités.

Elyssa est le seul personnage féminin du roman. Elle a du tempérament, un destin extraordinaire. Héroïne ou super-héroïne?
Je ne crois pas qu’Elyssa soit une super-héroïne. C’est une héroïne, tout simplement. J’avais envie d’un personnage féminin fort; le féminisme est quelque chose qui me préoccupe au premier plan. Mais j’avais au départ commis une petite erreur très masculine: pour faire d’Elyssa un personnage fort, je la faisais réagir et agir… comme un homme. Or, cette direction était complètement faussée, j’ai donc revu ma copie pour qu’Elyssa soit à la fois forte et féminine. Ainsi, elle a du courage physique, bien sûr, mais je n’ai pas cherché à la transformer en une guerrière impitoyable. Elle apprend à se battre pour parer au pire mais ne prétend pas égaler des hommes surentraînés sur ce terrain. Elle a des fragilités et une sensibilité de femme, mais aussi cette force de résignation et de courage, sur la durée, qu’ont beaucoup moins souvent les hommes. On remarquera par ailleurs que son comparse, Ganymède, est un homme qui a pour lui une grande intelligence, mais ne possède aucune compétence physique. Le duo ne fonctionne pas sur un principe de complémentarité; l’idée était de plonger deux individus qui ne sont pas des combattants dans un monde certes civilisé mais aussi très violent. J’ajouterai enfin qu’Elyssa, aujourd’hui, ne serait qu’une lycéenne de seconde. J’ai cherché à trouver un équilibre entre sa jeunesse et la maturité dont les femmes se devaient de faire preuve à l’époque au même âge.

Votre éditeur met l’accent sur l’histoire d’amour et de vengeance, moi sur l’aspect historique qui me semble fondamental. Que pouvez-vous nous dire d’Elyssa?
En ce qui me concerne, Elyssa est avant tout un récit d’aventure. Que cette aventure soit historique n’est pas le plus important ou plutôt, n’est pas plus important qu’autre chose. Je voulais de la romance, du dépaysement, de la fantaisie, du tragique, de la démesure et l’antiquité s’y prêtait bien. La dimension historique, je l’espère, permettra peut-être à certains lecteurs d’apprendre quelque chose sur cette période, mais je ne voudrais surtout pas que l’on mette en avant ce qui serait un aspect principalement «utilitaire»; j’aime bien l’idée que la littérature d’imagination n’ait pas d’autre but, en soi, que d’être… de la littérature d’imagination.

Propos recueillis par Caroline Hayot, Librairie Larcelet à Saint-Dizier

Malgré ses deux victoires sur Carthage pendant les guerres puniques, Rome soupçonne sa rivale d’avoir mis au point une nouvelle arme dévastatrice. L’espion du sénateur Caton, Marcellus est sur le point de lui faire part de ses découvertes lorsqu’il est assassiné. L’épouse de Marcellus, Elyssa, ancienne esclave carthaginoise arrivée à l’âge de 7 ans à Rome, est alors chargée de reprendre l’enquête de son mari.

Accompagnée de Ganymède, son ancien précepteur et conseiller de Marcellus, Elyssa embarque pour Carthage dans l’intention de retrouver un certain Maharbal mais elle projette également de venger la mort de son époux. Le voyage est périlleux, les amis sont rares et le cœur d’Elyssa balance entre Rome, sa cité adoptive et Carthage, sa cité natale. Et puis, il y a le troublant Styphax…
  
Elyssa de Carthage est un roman étourdissant, non seulement parce que l’auteur a composé une enquête complexe menée tambour battant par des personnages intéressants mais aussi parce qu’il fait un portrait précis, documenté des deux cités et de la période trouble qu’elles traversent. En cela, il y a quelque chose de Jules Verne chez Eric Senabre…

Librairie Larcelet à Saint Dizier

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