Vincent Villeminot : «J’ai donc décidé d’écrire contre cette littérature de la soumission si désincarnée à mes yeux»


«L’amour, c’est toujours affaire d’un «je», d’une première personne, qui s’engage avec une autre sans être sûre de ce qu’elle pense.» Vincent Villeminot a confié à Bénédicte Oudinet (librairie Les Pages du Donjon) ce qu’il l’a amené à écrire une histoire d’amour à partir d’un titre qui lui tournait dans la tête: Le copain de la fille du tueur – un texte publié par Citrouille en décembre 2016).


«Lorsque j’ai fini U4.Stéphane, j’ai éprouvé le besoin, le soir même et comme toujours, de me remettre sur un chantier, dans un roman… Si j’ai décidé d’écrire une histoire d’amour, cette fois, un genre que je n’avais jamais abordé, c’est pour trois raisons.

D’abord, ce titre, Le copain de la fille du tueur, un titre intrigant qui me tournait en tête depuis quelques semaines sans savoir où il pouvait m’emmener. Envie d’en savoir plus, de broder une fiction sur ces quelques mots qui me faisaient sourire – comme s’ils étaient, au fond, une intuition. Écrire en liberté, en défrichant l’histoire avec mon héros, au fur et à mesure, sans synopsis ni plan préétabli, sans les contraintes de Réseau(x) (douze personnages principaux…) ni celles de U4 (trois co-auteurs, tout de même!).

Ensuite, cette possibilité que j’avais désormais d’écrire au plus près d’un intime singulier – mes trois petits camarades m’avaient «imposé», pour U4, d’écrire à la première personne, et moi qui ne m’étais jamais autorisé à le faire, j’avoue que j’avais… aimé.

Enfin, les blogs de lecteurs que je consulte régulièrement étaient envahis, à cette époque (ils le sont toujours) par toute une littérature dite «new adult», ces épigones de 50 nuances, qui me consternent et me mettent en colère… Est-ce là, vraiment, tout ce qu’il y a à dire sur l’amour?

J’ai donc probablement décidé, quand j’y repense, d’écrire contre. Contre cette littérature de la soumission, si «hot» en apparence et si froide, si calculatrice, si désincarnée à mes yeux. Mais j’ai surtout voulu et essayé d’écrire pour.

Pour l’amour fou, déraisonnable, inattendu et encombrant – dont on ne sait que faire, que penser, dont on ne parvient pas à se défaire, dont il faut bien se débrouiller. L’amour comme une procédure de vérité, anarchiste, une expérience de libération, une ordalie pour chaque personnage. Une émancipation, une épreuve du feu et une épiphanie.

Pour la poésie, aussi, et pour la peau nue. Sans accessoires ni faux-semblants, en empruntant des vers pour écrire des vraies scènes d’amour, solaires, imprévues, dans l’herbe de juin, maladroites, contemplatives, émerveillées, joyeuses. Un printemps.

Et j’ai décidé que tout serait vécu dans la tête d’un seul, Charles, un garçon qui dit «je». Parce que l’amour, c’est toujours selon moi affaire d’un «je», d’une première personne qui s’engage avec une autre sans être sûre de ce qu’elle pense.

Cela m’a ramené chez moi, dans les Alpes, au plus près de l’âpreté sensuelle de la montagne. Le  dénuement dans l’écriture est venu ensuite. Puis tout le reste s’est inventé – l’ami indispensable, le pensionnat et la «révolution», les deux pères, le foot, le secret de Selma… Et pour finir, le tueur, parce qu’il était inscrit, dès le début, dans le titre.»

Vincent Villeminot


Le copain de la fille du tueur
Vincent Villeminot
Éditions Nathan
À Daillange, lycée le plus cher de Suisse, Charles fait la connaissance de son colocataire, Touk-E. Une amitié exceptionnelle naît aussitôt entre ces deux fils à papa, papas dont les professions sont diamétralement opposées! Tandis que le père de Charles gagne sa vie en tant que poète reconnu, celui de Touk-E amasse l’argent grâce à ses concessions de mines d’uranium. Ensemble, les deux garçons vivent des expériences et des discussions inoubliables, jouant les trouble-fête durant leurs cours d’éco! Un jour arrive Selma, casque vissé sur les oreilles comme si personne ne l’intéressait. Charles tombe sous le charme et les deux amis mettent tout en œuvre pour découvrir cette mystérieuse mexicaine, fille de narcos, sportive, tenace mais à l’air triste. On découvre alors Charles et sa difficulté à avouer ses sentiments, sa peur de gâcher l’amour en le banalisant (à la manière des copains avides de détails et de blagues lourdes) ou en allant trop vite (Charles veut apprivoiser ses sentiments quitte à les rendre douloureux à force de retarder exagérément (?) chaque nouvelle étape de leur relation)… Filles, garçons, parents, plongez dans ce roman passionné et passionnant à l’intrigue extrêmement bien menée et inquiétante. La sensibilité des personnages et leur vies écorchées nous touchent profondément et les sentiments de l’ordre de l’intime sont décrits avec justesse et pudeur comme peuvent l’être les amours adolescentes loin des délires entre potes et des crâneries sur les réseaux sociaux. – Librairie Les Pages du Donjon