La collection Français d’ailleurs, par la librairie Les Sandales d’Empédocle de Besançon (+ itw vidéo de Valentine Goby)

« Français d’ailleurs » : cette collection des éditions Autrement est particulière par son format, par ses exigences et bien évidemment, surtout, par son contenu. Belle rencontre avec Jessie Magana (directrice de collection) et Valentine Goby (auteure). A l’occasion de la sortie en poche de deux anciens titres, un coup de projecteur sur une collection formidable et fondamentale  : Français d’ailleurs. Une interview du blog de la librairie Les Sandales d’Empédocle de Besançon


« Français d’ailleurs » : cette collection des éditions Autrement est particulière par son format, par ses exigences et bien évidemment, surtout, par son contenu. Dès la première rencontre avec ces titres, nous avons été frappés par son exigence, sa véracité et la qualité de son engagement. Militante bien évidemment, mais pas que, et pas au sens tellement galvaudé d’aujourd’hui. Jessie Magana (directrice de collection) et Valentine Goby (auteure de tous les titres parus) ne cherchent pas à nous imposer un discours, une vision des choses. Par leur travail de qualité, elles apportent des faits incontestables sur une situation, des tranches de vie, et permettent ainsi de faire progresser la vision de l’autre, de notre voisin. D’entamer la discussion sur des bases saines et non sur des rumeurs ou de prétendues façons d’être ou d’exister.
Ainsi lorsqu’ont été annoncés les deux premiers titres de la collection en version poche, l’idée d’une interview a germé. Valentine Goby en a accepté immédiatement l’augure mais son emploi du temps n’a pas permis de la réaliser. C’est donc en toute confiance qu’elle nous a redirigés vers son alter ego dans cette collection, son amie et directrice de collection Jessie Magana. Contactée à son tour, c’est avec une grande gentillesse et simplicité qu’elle a accepté de nous consacrer du temps et de répondre à nos questions, dans la bonne humeur (ce qui ne gâte rien !). Qu’elle en soit sincèrement remerciée.
– Pourquoi cette collection ? Comment est-elle née ? qui l’a inventée ? proposée ?
L’idée est née en 2005 (premiers titres parus en 2007) avec Christian Demilly à l’époque éditeur d’Autrement jeunesse : la volonté de départ était de décliner en jeunesse ce qui se faisait en adulte avec « Français d’ailleurs, peuple d’ici », collection réalisée par des historiens sur une communauté dans son environnement en France.
De plus, le contexte en 2005 était particulier. Les émeutes urbaines (deux jeunes morts dans un transformateur) posent brutalement la question de l’immigration, revenue sur le devant de la scène. Cet événement sera à l’origine de la création du musée de l’Immigration (Cité nationale de l’histoire de l’immigration), qu’Autrement approche en vue d’un partenariat. (http://www.histoire-immigration.fr/musee)
Je suis alors éditrice free-lance pour différents éditeurs et Autrement connaît mon intérêt pour le thème de l’immigration. Nous décidons de travailler ensemble et la réflexion sur le concept commence.
Cette collection est contraignante et très guidée : la volonté était de ne pas faire du documentaire pur mais de toucher davantage la sensibilité des lecteurs par le biais de la fiction. À l’époque, les docu-fictions sont à l’honneur, même si ce terme a ensuite été retiré du descriptif de la collection car trop galvaudé. Il a fallu deux années de réflexion pour démarrer. Nous voulons créer de véritables romans, appuyés sur un contexte historique fort. Je fais alors appel à quelqu’un que je connais bien et dont j’aime le travail,Valentine Goby, qui venait de publier en 2007 chez Gallimard Manuelo de la plaine, l’histoire d’un petit espagnol à Saint-Denis dans les années 1930.
  
–  Pourquoi une seule auteure ?
Valentine Goby était annoncée pour les deux premiers titres et puis finalement, car elle sait se renouveler, proposer des choses nouvelles, elle est devenue l’auteure de la collection tout entière. Pourtant, pour un auteur cette collection est très contraignante car elle répond à un cahier des charges précis : on suit le chemin de l’enfant qui part de son pays, arrive en France et se retrouve confronté à son nouvel environnement.
On retrouve toujours un héros de l’âge du lecteur, entre 9 et 15 ans, une alternance garçon / fille ; toujours le même nombre de chapitres ; et surtout un travail main dans la main avec un historien proposé par le musée de l’Immigration. 

[Et là, malgré la distance, magie d’internet (parfois cela marche !) et voici une petite intervention de  Valentine Goby  dans la conversation avec  Jessie Magana]

–  Valentine Goby, quel est l’apport de la fiction à l’histoire ? Un travail de création ? D’invention ? De réinvention ?
L’un des défis de la collection est de proposer de véritables romans. Il ne s’agit pas seulement de tracer le parcours migratoire d’un adolescent,  qui provoquerait une redondance narrative lassante d’un livre à l’autre. Il s’agit plutôt de créer une histoire, qui ensuite s’inscrit dans une trame migratoire.  Ainsi Le secret d’Angelica n’est pas l’histoire d’une petite immigrée italienne dans la France des années 1920, mais en premier lieu celle d’une jeune fille qui rêve d’échapper à la trajectoire que la tradition lui impose – une vie de femme,  de mère,  et de paysanne – pour réaliser son rêve et devenir imprimeur.  La collection est une collection de littérature,  qui permet d’évoquer des problématiques universelles et de mettre l’accent sur des préoccupations communes aux adolescents de toute origine et de toute époque : désir de liberté,  importance de l’amitié,  questionnement face à l’école… les récits sont d’ailleurs principalement écrits sous forme de monologues intérieurs,  de journaux intimes.  J’aime travailler sur ce dialogue entre territoires communs et spécificités des parcours,  qui fait toute la richesse de l’histoire de l’immigration en France.
–  Comment sont écrits les romans ?
Chaque titre demande un travail de recherche très important : lecture d’ouvrages de références ; films ; photographies… l’objectif final étant de produire une histoire vraisemblable. L’historien conseille en amont, est consulté dès le choix du thème pour chaque ouvrage afin d’établir une bibliographie puis de construire un synopsis plausible. Il participe à une première ébauche puis relit entièrement l’ouvrage et corrige si besoin, images et illustrations y compris.
Pour les nouveaux titres, notre choix se porte par exemple sur les grandes communautés qui ont construit la France depuis le début du XXe siècle ; nationalité liée à une profession, une région, un secteur d’activité… Cette sélection se fait également en fonction des autres titres de la collection, afin de privilégier la variété : nous avons par exemple, pour Le Secret d’Angelica, choisi d’évoquer les Italiens dans l’agriculture plutôt que dans l’industrie, puisque deux titres, sur les Algériens (Le Cahier de Leïla) et sur les Polonais (Le Rêve de Jacek), évoquaient l’univers de la construction automobile et de la mine. Dans le dernier titre paru, Les Deux vies de Ning, nous avons fait le choix d’un héros issu la Chine du Nord, puisque Thiên An ou la grande traversée évoquait déjà l’immigration des Vietnamiens d’origine chinoise.
L’historien intervient enfin dans la rédaction du cahier documentaire, réalisé au moment où le roman est écrit. Le but est d’être en contrepoint du récit pour ne pas alourdir le propos par des notes de bas de pages ou des renvois. L’ensemble est illustré de photographies, d’un lexique et de cartes.
Lire l’intégralité de l’interview sur le blog de la librairie Les sandales d’Empédocle de Besançon




Itw vidéo de hubWin Mamans