La librairie Sorcière Comptines à bordeaux vous conseille : RÉVOLTÉES, JOUER AUX FANTÔMES, DANS LA FORÊT DE HOKKAIDO

  • Publication publiée :15 octobre 2017
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En France, Julie rêve. Au Japon, un petit garçon abandonné par ses parents dans la forêt de Hokkaido, est au bord de la panique.

Julie rêve de cet enfant. Très vite, elle se rend compte que c’est plus qu’un rêve, qu’elle a la capacité, quand elle s’endort, de rejoindre cet enfant perdu et effrayé. Elle vit alors les mêmes angoisses, les mêmes souffrances que ce petit garçon qui lui reste inconnu. Peu à peu, comme lui, elle dépérit. Elle apprend aussi qu’au Japon, des recherches ont été lancées pour retrouver un enfant que ses parents, excédés par ses caprices ont laissé quelques instants sur le bord d’une route en pleine forêt, sur l’île d’Hokkaido. Quand ils sont revenus sur leurs pas, leur fils avait disparu… englouti par la forêt. Depuis, ils passent à la télévision pour s’excuser (pratique très nippone) et appeler à l’aide pour retrouver leur fils. Julie sait désormais que l’enfant qu’elle rejoint dans ses rêves est réel et que sa vie dépend de l’aide qu’elle pourra lui fournir. Sa survie à lui mais peut-être à elle aussi puisque que sa santé, comme celle du garçon, se dégrade brutalement.

Hospitalisée dans un état aussi préoccupant qu’inexpliqué, c’est l’intervention d’un jeune réfugié érythréen, recueilli par son père, militant de toutes les causes justes, qui va les sauver elle et l’enfant.

A partir d’un fait divers, Eric Pessan construit un roman poétique et mystérieux. Profond aussi, comme la forêt dans laquelle s’est perdu le petit garçon, tel un petit poucet sans ses miettes de pain.

Un roman qui interroge sur ce monde qui jette les enfants sur les routes parce que les adultes se font la guerre ou parce qu’ils ne savent plus comment faire avec les enfants.

Ariane Tapinos (septembre 2017)
A lire sur notre blog, la critique d’un autre livre d’Eric Pessan : Aussi loin que possible (L’école des loisirs, 2015).


JOUER AUX FANTÔMES

Éd. Sarbacane, 2e trimestre 2017

Un petit garçon et sa maman jouent, chaque nuit, aux fantômes. Chaque nuit, ils s’installent dans un nouvel appartement vide. Déposent leurs modestes affaires, qu’ils replient avant même l’aube. L’enfant se perche alors sur un arbre, face à son école en attendant qu’elle ouvre. Sa mère quant à elle va travailler. Le soir, l’enfant attend sa mère à la bibliothèque, en lisant le dictionnaire. C’est ainsi chaque jour et chaque nuit depuis qu’ils ont été expulsés lorsqu’ils n’ont plus pu payer leur loyer après que la mère ait été licenciée. De tout cela, l’enfant n’est rien censé savoir. Sa mère lui raconte qu’elle est riche de tous ces appartements vides et que si ils doivent rester invisibles lorsqu’ils les occupent, c’est pour jouer aux fantômes. Bien sûr, l’enfant sait. Il sait que sa mère a perdu son emploi, il sait que ces appartements ne leur appartiennent pas et qu’elle en trouve les clefs dans une petite armoire qui se trouve dans un magasin où elle finit sa journée de ménages. Un magasin qui affiche en vitrine les photos de toutes ces maisons et appartements vides.

L’album de Didier Lévy et Sonja Bougaeva est poignant. Il parle, avec une très grande délicatesse, de la pauvreté et de l’invisibilité des plus démunis condamnés à « jouer aux fantômes » dans une société qui préfère ne pas les voir. Ne rien savoir. Ignorer que des femmes et des hommes, qui se lèvent tôt et même se couchent tard, qui mène des vies de labeurs, ne peuvent se loger dignement.
Ce qui touche aussi ici, c’est l’effort de cette femme qui tente de maintenir, face à son fils, la fiction d’un monde plus juste. Et la lucidité de l’enfant qui garde pourtant espoir en l’avenir et rêve de la cabane qu’il leur construira, comme une métaphore de la vie qui sera plus tard la sienne.

Ariane Tapinos (octobre 2017)

NB : à signaler, 1€ est reversé à la Fondation Abbé Pierre


RÉVOLTÉES

Éd. Rageot, octobre 2017, 246 pages

Alors que la révolte gronde et que la Russie tsariste s’enfonce dans la guerre, deux sœurs, Tatiana et Lena participent, chacune à leur manière aux évènements.

Elles vivent seules et misérablement avec leur babouchka, leur grand-mère, sans nouvelles de leur père depuis qu’il est au front.

Lena rêve d’une société égalitaire et d’un pays en paix. Elle est clairement engagée auprès des révolutionnaires qui veulent mettre un terme à la fois au gouvernement provisoire et à la guerre à laquelle il refuse de renoncer. Très débrouillarde – elle sait comment se fournir au marché noir – elle est aussi très courageuse et pleine d’ardeur.

Sa sœur jumelle, Tatiana, travaille au Studio d’Art théâtral de Moscou où elle fait le ménage et récupère les costumes à réparer – ou fabriquer – qu’elle confie à sa grand-mère, aveugle mais couturière émérite.

Tatiana vit différemment de sa sœur l’avancement de la révolution. Immergée dans le monde du théâtre d’avant-garde et côtoyant des étudiants féru de futurisme, elle est de plus en plus convaincue que la révolution passe par l’accès à la culture et son profond renouvellement par la poésie, le théâtre, le chant…

Le roman de Carole Trébor nous plonge avec talent dans les quelques jours – du 26 octobre au 2 novembre 1917 – qui vont voir basculer la Russie tsariste dans le bolchévisme. Entre chaos et espérance, les deux sœurs vivent au rythme des événements, des combats de rue et de l’espoir fou que suscite chez elles comme chez des millions de russes, l’avènement d’un monde meilleur.

Elle nous apprend en postface que les sœurs Ivanovna ont existé. La vraie Lena sera députée au Soviet Suprême de Moscou et connaitra les désillusions et de longues années de goulag. Tatiana, quant à elle, mènera une carrière de mezzo-soprano au Bolchoï. C’est grâce à son immense succès qu’elle obtiendra de Staline la grâce de sa sœur.

L’art aura raison du politique…

Ariane Tapinos (octobre 2017)  – Librairie Sorcière Comptines à Bordeaux