Rémi Farnos, de l’ordinaire au mythe

  • Publication publiée :26 septembre 2016
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Le premier livre de Rémi Farnos, Thomas & Manon, était… une boîte. Elle contient deux cents cartes pour autant de cases d’une bande dessinée dont la reconstitution est proposée à la sagacité du lecteur. Alcibiade (voir ci-dessous) est le deuxième ouvrage de ce jeune auteur illustrateur qui a obtenu son Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique en 2013, à l’EESI d’Angoulême. Interview par Cécile Panou, Librairie Sorcière Tire-Lire à Toulouse

CÉCILE PANOU: Dans votre BD Alcibiade, un jeune garçon, qui souhaite connaître son destin, part pour un long et périlleux voyage de l’autre côté du monde. C’est la figure mythologique d’Alcibiade qui vous a inspiré cette quête?
RÉMI FARNOS: Vous faites référence à cet illustre personnage historique, général et homme d’État grec? En réalité, je n’ai fait qu’emprunter son nom… Mais peut-être m’a-t-il inconsciemment inspiré au-delà? En tout cas, il me paraissait intéressant de situer l’histoire dans un cadre rappelant les mythes antiques, où le personnage d’Alcibiade poursuivrait obstinément son but sans se rendre compte de l’impact de ses exploits sur son monde. J’aimais bien l’idée de montrer le passage de l’ordinaire au mythe, notamment le décalage entre ce qui se passe réellement et l’interprétation.
La mise en page des planches est particulièrement originale, esthétique et maligne. Je pense par exemple aux pages où un seul décor est découpé en seize vignettes. Les personnages y évoluent en passant d’une vignette à l’autre. D’où vous est venue cette idée et pour quel effet sur le lecteur?
  Le gaufrier change au cours du livre: de vingt vignettes on passe à douze puis à six. Chaque étape déterminante d’Alcibiade (enfant, adulte et vieillard) est vue dans un prisme temporel de plus en plus serré, où le temps passe de plus en plus vite. Il s’agit donc de faire éprouver cette temporalité au lecteur, dans un rythme de lecture lié au rythme de la vie du personnage qui défile. Quant au principe de chemins narratifs dans des grands décors fragmentés en cases que les personnages arpentent et où parfois ils s’égarent, c’est la suite des travaux de recherche que j’ai commencé il y a quelques années, notamment pour le livre Thomas & Manon, avec Alex Chauvel aux éditions Polystyrène; il proposait aussi une lecture atypique. Pour Alcibiade, la contrainte narrative présuppose que les personnages sont toujours en mouvement. Et je voulais proposer quelque chose qui se situe entre l’animation et la bande dessinée, où le fond et la forme sont connectés.
Pensez-vous à vos lecteurs lorsque vous travaillez?
  Je suis navré de l’avouer, mais très peu en réalité. Je fais confiance aux éditeurs si, par exemple, je m’égare par rapport au public ciblé, et j’accepte de retravailler certains détails. Mais au moment où je suis seul face à ma planche, je cherche uniquement à faire vivre l’histoire et ses personnages. Je travaille essentiellement en improvisant, ce qui m’oblige à me focaliser uniquement sur ce que je fais, plutôt que pour qui je le fais.
Quels artistes vous inspirent? Trondheim?
  Évidemment! Les auteurs et fondateurs de l’Association ont été très importants dans ma découverte de la bande dessinée. Il y a aussi Christophe Blain ou Manu Larcenet. De façon plus contemporaine, le travail de Jens Harder me fascine.

En BD ce sont quasiment toujours un scénariste et un illustrateur qui travaillent ensemble. Vous préférez rester en solo?
  J’ai fait mon premier livre avec un scénariste. C’est très agréable de travailler avec quelqu’un, ça oblige à se poser d’autres questions sur ce qu’on fait! Pour le coup, je n’ai vraiment pas de préférence…

Propos recueillis par Cécile Panou, Librairie Tire-Lire à Toulouse


Alcibiade – Auteur: 
Remi Farnos – Éditions La Joie de Lire – 10€
Alcibiade se rend à l’Est pour trouver le Grand Sage. Il espère que celui-ci pourra lui révéler, sinon le sens de la vie, au moins quelques indications sur sa destinée. Voilà le début d’une grande aventure pour Alcibiade! Son chemin croisera celui de toute une galerie de personnages qui ne lui voudront pas forcément du bien, mais dont certains deviendront de vrais amis. Le voyage durera quelques années, le temps pour Alcibiade d’accomplir sa quête initiatique, de grandir, et de devenir une vraie légende. Un héros modeste comme on les aime. Le rythme du récit, la qualité du texte et de l’illustration font d’Alcibiade une vraie réussite. Rémi Farnos joue avec les codes de la bande dessinée et nous surprend, il faut parfois perdre ses habitudes de lecture pour ne pas perdre le fil de l’histoire, prendre du recul pour n’oublier aucun détail. 
En plus, c’est drôle. – Librairie La Passerelle