Portrait croisé de deux libraires Sorcières par l’association régionale Libraires en Auvergne-Rhône-Alpes : Céline Galtier, pour A Titre d’Aile, et Thomas Vernet, pour Croquelinottes

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Dans un article publié par Libraires en Auvergne-Rhône-Alpes, le 13 juillet dernier, deux libraires Sorcières, Céline Galtier, de la librairie A Titre d’Aile à Lyon, et Thomas Vernet, de la librairie Croquelinottes à Saint-Étienne, décrivent leur parcours et le chemin qui les mené·e·s vers la spécialité jeunesse.

Ce portrait croisé au long cours, questionne également la situation actuelle et envisage les perspectives de la librairie indépendante. Voici quelques extraits de l’entretien dont l’intégralité de l’entretien à retrouver sur le site de l’association.

– EXTRAITS –

« Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre librairie ?

Céline Galtier : En reprenant À Titre d’Aile je réalise un peu mon deuxième rêve d’enfant, le premier étant d’être archéologue. J’ai eu moult années universitaires avant d’obtenir mon DEA en Langue Histoire Civilisation des Mondes Anciens, puis ai participé à des missions de recherche au Proche Orient avant d’intégrer un poste d’archéologue à l’INRAP pendant plus de 15 ans. Au bout de 15 années de ce métier passion, j’ai eu envie de mettre mon énergie ailleurs. Je vis sur les pentes de la Croix Rousse depuis plus de 20 ans et j’ai commencé à fréquenter la librairie dès sa création en 2006. Ma fille aînée a d’ailleurs exactement l’âge de la librairie, donc on peut dire que la famille a un peu grandi avec. Très investie par ailleurs dans la vie de mon quartier, dans le domaine de la petite enfance et de l’éducation parentale, j’ai eu l’occasion de découvrir toute la richesse du fonds petite enfance. En mai 2018, lorsque Carole Ohana et Cédric Chaffard, les libraires cédants, m’ont parlé de leur désir de passer le flambeau, le projet a pris sens très rapidement pour moi. Ce désir d’épanouissement dans l’entrepreneuriat, conjugué à ma passion de la lecture, au goût à l’éducation à l’image, m’a tout naturellement conduite à devenir libraire comme un nouveau métier de passion. (…)

Thomas Vernet : Comme Céline, je n’ai pas de « diplôme en librairie ». J’ai commencé en 2003 au Cultura de Givors où je travaillerai durant 9 ans. N’étant pas quelqu’un de scolaire, après le Bac et quelque temps en intérim, je me suis remis en question et j’ai décidé de me pencher plutôt vers ce que j’aimais faire. Passionné de BD, j’ai donc postulé à tout ce qui vendait du livre autour de chez moi. Cultura venait d’ouvrir et m’a proposé un poste en renfort papeterie pour la rentrée scolaire, et plusieurs autres petites missions. Dès le début, j’ai fait comprendre à tout le monde que ce qui m’intéressait était avant tout le livre. Ma ténacité a fini par payer car au départ de l’équipe en place on m’a proposé un poste. Neuf ans plus tard j’ai fini adjoint au chef de secteur livres.
Entre-temps, j’ai eu deux enfants, scolarisés dans la même école que les enfants d’Amandine Drajner, la précédente gérante qui a créé la Librairie des Croquelinottes. Elle travaillait déjà avec une salariée mais, la librairie tournant bien, elles avaient besoin de quelqu’un en plus. En juin 2012 elle est venue me trouver ; deux mois plus tard, fin Août, j’intégrais la librairie. (…)

Pourquoi le choix d’une librairie jeunesse ? Quelles en sont les particularités ?

Céline Galtier : J’ai une grande sensibilité à tout ce qui touche à l’illustration, notamment jeunesse. Par ailleurs, ce qui est le plus important pour moi, c’est la lecture, primordiale pour l’éveil et la construction de l’enfant puis du jeune citoyen. Le livre me semble incontournable pour nourrir tout cet enthousiasme de la jeunesse. Je ressens en librairie jeunesse la liberté de se faire plaisir et mettre sur table ce qu’on aime avant tout. (…) Ma clientèle est très familiale, des parents, des grands-parents. On voit grandir les enfants et c’est vraiment un plaisir de retrouver les grands ados qui sont venus régulièrement, étant tout petits, à la librairie avec leurs parents. Certains d’entre eux sont d’ailleurs très attachés à ce lieu qu’ils ont découvert petits, ils reviennent après le collège et s’installent sur le canapé pour feuilleter un manga avant de rentrer chez eux. Me plaçant dans la continuité de l’esprit À Titre d’Aile, j’ai à cœur d’accueillir les enfants et leur donner envie d’entrer, qu’ils s’y sentent bien même si la lecture n’est pas toujours facile pour tous. Qu’il n’y ait pas de public empêché n’osant pas entrer dans une librairie ou une bibliothèque, et que chacun puisse venir tel qu’il est.

Thomas Vernet : Je dirais, qu’à quelques exceptions près, on n’est pas du tout dépendants, ou alors très peu, de la parution. Sur table par exemple aux Croquelinottes, la moitié des références en albums sont des titres de fonds que l’on aime bien et que l’on défend. Il y a un écart important dans la littérature jeunesse entre ce que vont lire des enfants de 3/4 ans et des enfants de 5/6 ans par exemple. Le public se renouvelle beaucoup plus vite que la parution dans certaines catégories. Ainsi, même si l’on présente la même chose, il y aura toujours un renouvellement rapide du lectorat. On tourne beaucoup avec le fonds et quand une nouveauté nous plaît on peut se permettre de la laisser un an sur table ; quand on aime un livre on peut le défendre vraiment. Les retours d’expérience sont également rapides de la part des parents et le ressenti des enfants est, si je peux dire, « pur ». Nous, adultes, avons un retour biaisé sur les livres pour enfants : ce n’est pas parce que nous aimons un livre que c’est forcément un bon livre pour enfant. Nous pourrons bien le conseiller à des parents qui auront une sensibilité proche, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il est bien pensé pour les enfants. (…) »

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