Le prix unique du livre : «À vous aussi, lecteurs, nous faisons confiance!»


En France, le prix du livre et les frais de livraison des ouvrages commandés sur internet sont encadrés par la loi. Une précieuse exception culturelle dont nous vous expliquons ici les raisons et le fonctionnement… et qui ne peut porter ses fruits que si, vous aussi, vous y apportez votre contribution!

Promulguée le 10 août 1981, la loi sur le prix unique du livre (dite loi «Lang») est entrée en vigueur le 1er janvier 1982 en instaurant le système du prix unique du livre en France: c’est l’éditeur qui fixe le prix de vente du livre au public. Quelle que soit la période de l’année, ce prix doit être respecté par tous les détaillants (grande surface spécialisée, hypermarché, maison de la presse, grossiste, librairie traditionnelle ou en ligne), qui n’ont la faculté d’accorder des rabais que s’ils sont limités à 5 % du prix déterminé par l’éditeur.


Cette exception au principe de libre fixation des prix est fondée sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé, ne répondant qu’aux seules exigences de rentabilité immédiate. Le Syndicat National des Éditeurs qui, dès le début, a défendu cette loi, souligne très justement l’importance de cette exception culturelle: «la pratique de bradage (discount) entraîne, à long terme, une raréfaction du nombre de titres disponibles, au profit des ouvrages à «rotation rapide», touchant un vaste public (best-sellers, guides…), au détriment des œuvres de création originale. La loi sur le prix unique du livre poursuit ainsi un triple objectif, et doit permettre: l’égalité des citoyens devant le livre, qui sera vendu au même prix sur tout le territoire national; le maintien d’un réseau décentralisé très dense de distribution, notamment dans les zones défavorisées; le soutien au pluralisme dans la création et l’édition en particulier pour les ouvrages difficiles.»


La promulgation de la loi sur le prix unique du livre a ainsi permis à notre association de librairies spécialisées pour la jeunesse de prendre son essor dans les années 80. Favorable à cette mesure qui nous permettait de nous battre contre des réseaux ou des chaînes beaucoup mieux armées financièrement, nous nous sommes alors regroupés pour faire connaître la spécificité de notre travail, et demander aux éditeurs de le rétribuer correctement.


Comment se traduit la rétribution du libraire dans la «chaîne du livre»? Par une remise (de 30 à 40%) que l’éditeur lui accorde sur le prix de vente public du livre. Cette remise varie et se négocie en fonction des quantités de livres commandés par le libraire. Nos relations privilégiées avec certains éditeurs, au sein de notre réseau Sorcières, permettent que notre travail qualitatif soit également reconnu et pris en compte.


Il faut savoir également que les frais de port sont à la charge du libraire, et qu’en aucun cas nous ne pouvons les répercuter sur le prix du livre: aussi, quand nous assumons les commandes à l’unité chez de petits éditeurs, il arrive bien souvent que les frais de port soient supérieurs à la remise que nous accordera cet éditeur sur cet ouvrage!


Cette chaîne du livre est donc fragile du fait des marges réduites et des lourdeurs logistiques, mais plus de trente ans après, notre réseau de librairies jeunesse indépendante est toujours là: preuve que la loi Lang était nécessaire et précieuse… et que notre réseau est indispensable et de qualité!


Certes, le pouvoir de l’argent ne cesse de tenter de reprendre le dessus… Chaînes de grandes surfaces spécialisées dans les produits culturels et Internet se développent et réduisent nos parts de marché. C’est ainsi qu’une seconde loi est récemment venue aussi encadrer la pratique du rabais possible de 5% par le détaillant, et celle de la gratuité des frais d’envoi, que certains étaient parvenus à instrumentaliser pour détourner le prix unique du livre.


Nous nous voulons résolument confiants dans l’avenir, et croyons au travail des librairies indépendantes, dont les libraires proposent une offre variée à partir d’un fonds qu’ils maintiennent et de nouveautés qu’ils sélectionnent et ont envie de défendre – et ce sur l’ensemble de nos régions, même les moins peuplées.


Pour que cela dure, il suffit que les éditeurs continuent à nous proposer des ouvrages de qualité qui nourrissent l’esprit – sans rechercher systématiquement les best-sellers – et qu’ils rémunèrent ces libraires pour le travail fourni et non sur des critères de chiffres d’affaires…


Cela dépend aussi de nos clients, cela dépend de vous, qui devez garder votre  appétit de curiosité, votre désir d’imagination et votre soif de diversité. De vous, dont dépend aussi l’existence d’un réseau de librairies indépendantes, selon que vous leur achèterez ou non vos livres…


À vous aussi, nous faisons confiance!


Patricia Matsakis, Présidente de l’Association des Librairies Spécialisées Jeunesse

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