Éric et Guénolée André

Leur maison s’appelle Amaterra et existe depuis sept ans. Dans cette maison où la nature est prépondérante, on trouve des papillons et des escargots, des grenouilles pour petits et grands, des fleuves… On trouve aussi des histoires et des documentaires pour mieux connaître les autres et soi-même, des livres jeux et des cahiers d’activité… On y trouve Art’bracadabra, l’ovni de Raphaël Garnier. Une maison joyeuse et curieuse! Alors petite visite chez Éric et Guénolée André, fondateurs des éditions Amaterra. Par Véronique Fouché, librairie La Vagabonde & sa Fabrique.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Amaterra, un nom engagé associé au plaisir et à l’ouverture au monde… Quelque chose à ajouter sur ce chouette nom ?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ : C’est un nom qui évoque le soleil, la terre et l’amour. On ne s’en lasse pas.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Pourquoi créer votre propre maison?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: Une envie de voler de nos propres ailes, d’avoir la liberté de nos propres créations. C’est plus risqué que de travailler pour un tiers, mais tellement plus stimulant!

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Différentes obsessions caractérisent votre maison… La nature, implicite dans le choix de votre nom, l’éveil des tout-petits, la création… et la réécriture de grands textes, avec la collection Les grands textes à hauteur d’enfant. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce parti-pris et sur le superbe et ambitieux album La bataille des grenouilles et des souris de Daniele Catalli, d’après Homère.

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: Il semble que le mot «obsessions» que vous employez évoque plutôt une idée de fermeture, alors que justement, ces thèmes ont été choisis dans une volonté d’ouverture, de découverte. Cette découverte, adaptée à la tranche d’âge, doit amuser le lecteur, l’étonner, l’interpeller, lui donner envie d’ouvrir des portes. Elle est rendue ludique par un travail sur l’objet livre, une exploration des possibilités techniques du papier. La bataille des grenouilles et des souris, d’après Homère, illustré par Daniele Catalli en est un exemple. Cet ouvrage très contemporain ressuscite un texte oublié de l’Antiquité, qui dénonce l’absurdité de la guerre. Son adaptation actualise le texte, et la traduction joue avec le nom des protagonistes: Lagadoue, Jouflu, Placidus du marais, Gripemiette… Les illustrations pleine page créent un décor en profondeur par une superposition de découpes finement travaillées. Chacune annonçant les horreurs à venir. La dernière page, simple mais éloquente, semble trouée de larmes. Cet ouvrage ambitieux a été récompensé par le prix de La Nuit du Livre 2018 dans la section album.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: On retrouve beaucoup les mêmes auteurs-illustrateurs dans votre catalogue. Concevez-vous les collections avec eux, ou un album en appelle-t-il un autre et ainsi de suite?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: C’est un peu les deux, mais cela reste un échange, que le projet vienne des auteurs-illustrateurs ou de nous.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Pour l’instant un seul roman de littérature ado a été publié chez vous. Est-ce un secteur que vous aimeriez développer?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: Oui. Nous allons publier un roman en septembre et sans doute deux en 2020. Nous essaierons de garder ce rythme.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre livre Art-bracadabra?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: Cette belle aventure a débuté en 2016! Un Amaterrien a vu les films d’animation réalisés par Raphaël Garnier dans le cadre de Mon œil, la web-série du Centre Pompidou. Une découverte ludique de l’oeuvre d’art, qui étonne, interpelle… Ça a fait tilt! On a contacté Raphaël qui a tout de suite été enthousiasmé par l’idée de cette adaptation. La réalisation de cet ouvrage a demandé deux ans. Tout comme la série, il permet une approche simple et onirique des fondamentaux de l’oeuvre d’art – le point, la ligne, la couleur, la matière, la perspective… Pour ce faire, sont inclus des systèmes avec des volets, une roue, des feuilles transparentes, un pop-up, une tirette, de l’embossage… La fabrication est très complexe et ce projet ambitieux n’aurait pas pu aboutir sans l’aide du CNL. Le pari est réussi. Raphaël et les Amaterriens sont très fiers du résultat.

VÉRONIQUE FOUCHÉ: D’autres livres que vous auriez envie de mettre en avant?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: Difficile de répondre à cette question! Nous avons mis toute notre passion dans chacun des titres de notre catalogue et tous ont leur particularité. Peut-être Palmir? Un album discret, tout simple, mais tellement grand quand on l’ouvre! À travers le voyage d’un petit dragon, Gilles Baum et Amandine Piu font passer un message d’espoir, qui parle de courage, de patience, de confiance, de partage, d’amitié. Un album qui nous émeut nous aussi, adultes. Nous aimerions parler aussi de notre collection d’imagiers accordéon pour faire le tour du monde: Imagier d’Afrique et Imagier d’Amérique latine de Magali Attiogbé (à paraître en mai), et Imagier d’Asie de Marie Caillou. Collection est encore un grand mot mais petit à petit nous ferons le tour de la planète! C’est une première découverte d’autres pays à travers des objets du quotidien, des animaux, des coutumes…

VÉRONIQUE FOUCHÉ: Que peut-on vous souhaiter?

ÉRIC ET GUÉNOLÉE ANDRÉ: De pouvoir continuer à publier des titres ambitieux. De garder cette relation très riche que nous avons avec la majorité de nos auteurs et de nos illustrateurs, relation qui permet d’avancer et de construire de beaux projets, ensemble. Sept ans, il paraît que c’est l’âge de raison. On aimerait être la preuve du contraire!

Propos recueillis par Véronique Fouché, librairie Sorcière La Vagabonde & sa Fabrique à Versailles